T apie au sol, Nyméria observait avec attention le groupe d'humains qui bavardaient tranquillement à quelques mètres de là. Leurs chiots-enfants couraient autour d'eux en hurlant et leurs cris désagréables avaient tôt fait de faire déguerpir les proies des bosquets alentours et peut être même les prédateurs. Pour sa part, elle ne se retenait de s'enfuir en courant que parce qu’elle avait désespérément besoin de traverser ce sentier pour pouvoir enfin suivre correctement la piste fraîche qu'avait laissé un lapin. Piste fraîche qui ne tarderait pas a disparaître si ils restaient plantés là encore longtemps.
Le feu vert lui fut donné quand -enfin !- les parents rassemblèrent leurs petits et rebroussèrent chemin dans un concert de cris. Bien, elle allait enfin pouvoir s'élancer à la poursuite de sa proie. Traversant d'abord prudemment le chemin pour vérifier que la voie était vraiment libre, elle accéléra ensuite une fois à l'abri sous le couvert des buissons. Il s'en était fallu de peu pour qu'elle perde définitivement la trace du lapin et qu'avec s'envole l'espoir d'une bonne chasse. A l'affût, elle traqua sa proie pendant ce qui lui parût une éternité avant d'enfin la sentir toute proche. D'un bond, elle était sur elle et la saisissait avant de l'achever prestement d'un coup de crocs net. Une bonne chose de faite. Elle allait pouvoir retourner dans sa tanière improvisée et déguster le fruit de sa chasse tout en profitant des doux rayons du soleil. Rien que d'y penser, il lui tardait d'y être. Inspectant les environs, elle constata que sa chasse l'avait menée bien plus en aval qu'elle ne voulait et, surtout, plus proche des humains. Pressée de remonter avant que l'un d'eux ne tombe sur elle, elle fit volte face et se retrouva truffe-à-truffe avec un de ses congénères. Reculant précipitamment d'un ou deux pas, elle serra un peu plus fort sa prise entre ses mâchoires et se redressa pour regagner les centimètres qu'elle avait perdus en courant ventre à terre.
Ils s'enfonçaient dans la forêt, là où le soleil n'atteignait que rarement le sol, et où ses rayons ne transperçaient pas les épais branchages. Un gros nuage obscurcissait les environs, alors qu'un beau ciel bleu embellissait le panorama montagneux qui en faisait rêver plus d'un. Yago marchait d'un pas allant, encore et toujours étonné de lui-même. Il cherchait, alors qu'il était bien sûr qu'elle n'était pas là, Nirvana, et cette obsession de ne pas savoir où cet amour pourrait les mener enserrait ses entrailles. Son esprit pessimiste lui hurlait qu'elle se jouait de lui, qu'il n'était qu'une proie. Un jour il partirait d'ici et elle retournerait dans les pattes du berger blanc, qui lui avait déchiqueté l'oreille. Et ça le bouffait, de l'imaginer loin de lui. En plus, il en avait marre d'être gaga. Il faisait le beau et le fier, mais au final il mourrait d'envie de retourner dans la maison de Pierre, au bout de la laisse.
Mais il ne pouvait pas. Alors, il s'efforçait de rendre la vie des autres moins belle, pour se sentir moins malheureux. Il voulait qu'on ait le cœur aussi abîmé qu'était le sien, quel que soit l'égoïsme dont il faisait preuve. Il aurait tant souhaité ne pas la rencontrer. Elle avait bouleversé tous ses projets d'avenir, autrement dit la mort, et ne voyait pas d'issue possible autre que d'avancer, encore et encore. Il ne pouvait plus se permettre de se laisser tuer à petit feu. Le fou de la dernière fois l'avait convaincu qu'il avait plein de choses à donner aux humains, et qu'il pourrait survivre pour protéger le brun. Un chien de combat transformé en chien protecteur d'un bipède. Au moins, il se trouvait utile. Un peu.
Le bruit d'une course le réveilla de sa transe, et il faillit trébucher sur une racine en levant rapidement la tête. Tous les sens en alerte, il se concentrait sur le frottement de coussinets contre les feuilles mortes. Une chienne, ressemblant à s'y méprendre à une louve, bondissait dans sa direction, pourchassant une boule de poils qui lui fonçait dessus. Ce lapin était bien ridicule. Dans les deux cas, il se faisait prendre. L'odeur alléchante de sa chair fraîche lui mit l'eau à la gueule, et ses iris noires fixaient avec gourmandise l'animal. Pourtant, elle fut plus rapide, et le tua en un tournemain.
Après une très rapide pause, elle s'en allait, toujours vite, et s'arrêta à une longueur de roquet de lui. Le malinois l'observa froidement, alors qu'elle se redressait, et l'interrogea, narquois (elle n'avait pas l'air bien décidée à prendre la parole en première) : "C'est pour moi le lapin, chérie ? Comme tu es aimable."
Yago
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Yago
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Yago
Jeu 22 Aoû 2019 - 23:16
Are you lost ?
E lle aurait pu rire tant cette question lui paraissait absurde. Pourtant, elle se contenta de poser le lapin a ses pattes, sûre de la distance qu'elle avait mise entre eux, et de s'asseoir tranquillement, son regard ambre posé sur celui qui lui faisait face. Inutile de faire remarquer qu'il était plus grand qu'elle et, en un sens, plus musclé aussi. Enfin, ses muscles étaient plus apparents, voilà tout. En bref, il était assurément capable de rivaliser avec elle, mais quand a prendre le dessus, ça restait a voir.
Se souvenant de la manière brutale dont il l'avait apostrophée, elle ne pouvait que convenir que malgré ses apparences de chien agressif, il devait cacher une vrai faiblesse. Oh ça, elle l'avait appris sur le terrain. Analyser sa proie. Ce qu'elle s'efforçait de faire systématiquement, peu importe l'objet de son examen. Car, au final, tout peut être une proie. Et ce qu'elle en retirait, c'est qu'il cachait tant bien que mal un trouble qui le hantait car dans la nature, les animaux les plus agressifs sont aussi ceux qui sont blessés. Surtout chez un prédateur. Et apparemment, celui là semblait apprécier son rôle. Arquant un sourcil et penchant la têt comme quelqu'un qui aurait mal compris, elle lui répondit si calmement que cela formait même un contraste avec l'agressivité de l'autre.
La louve déposa le lapin entre eux deux, à une distance quasiment égale. La situation faisait écho à des jeux dans lesquels il avait vu des enfants courir pour rattraper un objet souvent sphérique, posé entre eux, à l'entente d'un numéro. Mais il n'irait pas lui voler. Elle était vive, il avait pu le constater quand elle avait tué le rongeur aux longues oreilles, et il n'était pas un fourbe. Quant à partir sans pouvoir lâcher ses nerfs à vif sur quelqu'un, il n'osait pas l'imaginer. La haine bouillait dans ses veines, et les sentiments qu'il éprouvait pour Nirvana le ballotaient dans un ballet insoutenable, qui lui donnait constamment envie de vomir.
La chienne s'assit, dans un mouvement souple et serein. Décelait-elle en lui la colère qui l'habitait, ou bien se contentait-elle de le narguer, à se poster si près de lui se sachant inattrapable, à cause de cette laisse qui entravait chacun de ses mouvements ? Le malinois la défia du regard, s'attendant à ce qu'elle baisse les yeux au bout d'un moment, mais elle ne céda pas, ses iris ambrées posées sur lui. Un regard qui le bouleversait moins que ceux que lui lançait Nirvana, mais qui lui donnait une bonne dose d'adrénaline et de détermination pour pas se laisser marcher sur les pattes. «Bien sûr que non. Pourquoi, tu le veux ?»
Yago releva les babines, puis les rabaissa doucement, les prunelles étincelantes. Il n'en avait que faire de ce lapin, c'était sa chair à elle qui l'intéressait. Moins qu'avant, certainement, puisque cette longue année au camping l'avait aidé à ce sujet, mais s'il y goûtait, rien qu'un peu, ce plaisir renaîtrait de ses cendres. Un peu comme ces oiseaux de feu, contes qu'on contait parfois aux plus jeunes. "Je t'avoue que c'est davantage ta chair fraîche et chaude qui m'interpelle. Mais tu ne me laisserais pas y goûter, je me trompe ?"
Yago
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Yago
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Yago
Jeu 16 Avr 2020 - 0:25
Are you lost ?
Q u'elle fut grande la tentation de lui agiter la patte sous le nez tout en sachant qu'il ne pourrait jamais l'attraper rien que pour le narguer, de le défier de tenter de la goûter ! Bouffon, s'il tentait ne serait-ce que de s'approcher, elle serait bien capable de lui mettre la misère et ce, malgré sa petite taille. Mais l’agressivité donne des ailes et quelle erreur ce serait de sous-estimer le canidé lui faisant face ! Il faisait partie des individus que, décidément, elle n'arrivait pas à comprendre. Pourquoi de telles envies de meurtre perpétuelles ?
Non, elle n'était pas si cruelle, elle ne voulait pas jouer avec lui. Et puis, s'il était dérangé à ce point, autant s'en tenir loin dès à présent. La tension qui émanait du malinois semblait vibrer dans l'air et, désireuse de ne pas lancer les hostilités, elle parlait d'une voix calme et posée qui ne laissait toujours rien transparaître.
«Je ne suis pas sûre que tu y gagnes quelque chose...»
Son regard se fit fuyant un instant tandis qu'elle réfléchissait. Elle se décida à pousser le lapin un peu plus vers le mâle tout en restant, à priori, hors de portée de ses crocs.
«Mais si tu tiens absolument à goûter de la chair, il n'y a pas plus frais que celle là.»
Une offre. Une offre qu'elle ne voulait pas transformer en un aveu de faiblesse ou en une tentative de fuir en échange de ce cadeau.
Il ne put même pas apercevoir un battement de cœur plus rapide qu'un autre sous ce gros pelage. Même ses yeux ne décelaient rien dans son regard indiquant qu'elle commençait à le craindre. Non, elle était maître d'elle-même, ce qui avait tendance à l'agacer. Il n'inspirait pas la terreur, et ça lui faisait mal au cœur. Oh, il voulait sentir cette peur qui brûlait les entrailles au croisement de regard de deux ennemis prêts à se battre, deux cœurs battant à l'unisson à un rythme effréné avant de bondir l'un sur l'autre. Non. Maintenant, la seule flamme qui le dévorait n'était que cette tristesse de voir que tout ce qu'il avait durement acquis à coups de bâtons était en train de doucement se consumer. Oui, c'était pour ça qu'il était parti, qu'il avait été emmené ici, mais c'était sa nature. Et il ne voulait pas la voir disparaître, elle restait une part de lui-même. Ces crocs qu'il savait désormais maîtriser, et cette silhouette musclée étaient seuls souvenirs d'une enfance douloureuse qu'il avait pourtant aimée. Il s'était senti à sa place dans ces lieux sombres, les hurlements des hommes, les cris de son Homme à lui, les aboiements et geignements des autres chiens. «Je ne suis pas sûre que tu y gagnes quelque chose… »
Oh que si ! Retrouver ces plaisirs d'antan était l'un de ces désirs qu'il voulait accomplir. Mais pourtant, elle reprit, après avoir perdu un instant son regard dans la nature abondante : «Mais si tu tiens absolument à goûter de la chair, il n'y a pas plus frais que celle là.»
A ces mots, la chienne lui tendit, d'un coup de patte, le lapin. Et Yago se sentait victorieux. Elle était en pleine forme, vive et agile, il l'avait vu de ses propres yeux, et voilà que maintenant elle se soumettait, lui offrant la viande qu'il avait demandé. Il ne se sentait pas chef, non, mais juste supérieur. Il avait retrouvé sa force mentale. Il était redevenu lui. Ah, quel soulagement. Un léger sourire amusé vint illuminer son faciès. Il mourrait d'envie de crier au monde entier qu'il était retrouvé, ce Yago que tout le monde croyait perdu. Et Pierre qui pensait qu'il était devenu un toutou modèle. Malheureusement pour lui, il ne comprenait pas les aboiements, et ce qui se tramait juste à côté de lui. Yago redevenait lui. C'était incroyable ! "Oh, je te fais peur ? Réellement ?"
Il secoua la tête, comme désabusé, puis reprit, son regard bien ancré dans celui de la louve : "Tu me prends donc pour le chef de ta meute ?"
Yago
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Yago
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Yago
Jeu 23 Avr 2020 - 17:56
Are you lost ?
C e qu'elle craignait venait de se passer. Un acte de gentillesse et on passe pour un soumis ! Elle leva les yeux au ciel, presque blasée. C'était bien la peine de faire des efforts pour être récompensée de la sorte. Puis son regard se posa à nouveau sur le mâle, qu'elle détailla un peu plus. Quelque chose venait de changer dans son attitude, comme s'il revivait.
Ainsi, il faisait partie de ces gros durs à cuire qui ne craignaient rien ni personne mais tremblaient devant l'ombre d'un sentiment. En y réfléchissant, ça les rapprochait presque. Presque. De ce qu'elle avait pu en voir, ce genre de chiens n'était pas forcément le plus futé. Du muscle, rien de plus.
«Non, tu n'en as pas l'étoffe. Tu n'est pas capable de chasser, je le suis: les plus forts aident les plus faibles. C'est juste dans l'ordre des choses.»
Elle l'avait dit sans se démonter, comme toujours et le fixait à présent de ses yeux ambrés, toujours avec calme et sans broncher. Il n'était définitivement pas une menace, ainsi maîtrisé par le ridicule morceau de cuir et l'humain qui le tenait au bout.
Il n'était pas heureux, loin de là. Toute sa vie n'avait été que obstacles, souffrances et douleurs. Et il se sentait égoïste, cruel, mais ça lui faisait du bien de ne pas se sentir seul à avoir mal. Il en avait eu sa claque d'être la seule victime, le seul à qui on lançait des regards moqueurs. Le sort s'était acharné contre lui, mais il ferait en sorte que la roue tourne. Il comptait bien ne pas se laisser faire. Jamais il ne rendrait l'arme. Il était tombé, mais il n'était pas vaincu. «Non, tu n'en as pas l'étoffe. Tu n'est pas capable de chasser, je le suis: les plus forts aident les plus faibles. C'est juste dans l'ordre des choses.»
Un grognement intempestif s'échappa de sa gorge. Pierre sifflota doucement pour le calmer, ce qui ne fit qu'intensifier sa rage. Ce n'était pas sa place d'être gouverné par un collier et une laisse ! Ce n'était pas lui ! Il aurait dû être libre, donner une bonne leçon à cette chienne qui se croyait plus intelligente que le reste, parce qu'elle n'était pas attachée. Il ne pouvait, bien sûr, pas. Pierre était plus malin que lui, et il ressentait cet étroit lien qui le ligotait, cette main d'acier qui le retenait fermement. Il ne tenterait pas.
La louve se croyait plus forte que lui. Et il devait lui prouver le contraire. «Tu te crois meilleure que moi parce que tu n'es pas en laisse, c'est ça? Alors tu vas me traiter de faible. Mais sache que je ne veux pas de ton aide, de ton foutu lapin.»
Signe de dénégation, il recula loin du lapin, agacé.
Yago
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Yago
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