« Quand mon coeur était seul dans sa flaque de sang, quand mes colères étaient inattendues comme un orage d'été, qui aurait pensé qu'un jour mon coeur battrait plus fort que tous les coeurs ? »
Yago ouvrit un œil. Les rayons du soleil avaient parvenu à s'immiscer entre l'ouverture de la porte pour se loger pile dans sa rétine. Il leva sa tête, l'air peu aimable, et finalement se décida à se décaler quand il se rendit compte que l'astre brûlant avait pris une grande place dans son boxe, et que l'ombre n'était plus. Il s'en alla à l'extérieur, traversant le petit portail pour ensuite fouler l'herbe moelleuse. Il inspira l'air frais qu'il avait pris à aimer, ce mélange de montagne, de neige maintenant (qu'on pouvait apercevoir sur les plus hauts sommets) et de proies, et de pins.
Il distingua l'effluve de la nouvelle pensionnaire du refuge, qui résidait en face de son boxe. Il avait entendu toute la nuit ses griffes cliqueter contre le sol, et ses crocs arracher, simplement tenter d'arracher, le grillage. Il avait vu son ombre agrandie par la lumière lunaire, se mouvant telle une âme en peine dans cette cage où elle faisait les cent pas. Il s'était revu pendant ses premières semaines, avant qu'il ne comprenne que la prison n'était pas que feinte. Il était impossible d'en rééchapper, et malgré sa pointe de compassion, il se moquait bien de leurs essais vains. De plus, c'était à cause d'elle qu'il avait passé une mauvaise nuit.
Il était dans un de ses mauvais jours, et c'est pourquoi il grogna quand Pierre lui tapota affectueusement la tête, tout en lui versant son bol de croquettes. Il trifouilla dans les profondeurs de sa gamelle, à la recherche d'une friandise, puis se rendit à l'évidence qu'il n'y en avait pas, et alors croqua sans grand appétit son repas. Ses yeux froids restèrent fixés sur sa gamelle à la couleur métallique, mais son regard panoramique lui permit de voir que la bull terrier bicolore se redressa d'un coup, et ses grognements haineux lui parvinrent aux oreilles. " T'es qui, toi ? "
Son aboiement hargneux lui fit un redresser les babines dans un étrange sourire. Il n'était que l'ombre du chenil, l'agressif par excellence. Il planta son regard dans le sien un instant, puis recroqua dans une croquette sans savourer le goût de bœuf. Puis il revint vers l'autre chienne, sarcastique: "Personne. Tu as peur que je te vole tes croquettes à travers les deux grillages ? Pourtant tu as dû te rendre compte cette nuit qu'ils étaient indestructibles."
Il attendit une réponse, vaguement amusé par cette colère soudaine qui l'avait éveillée.
(c) DΛNDELION
Yago
Agressif
Yago
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