Dépaysement (avec Charon)

Comme chaque jour, Achille avait l'impression de vivre la journée la plus folle de sa vie. Sauf que cette fois-là, ça le troublait un peu. Son maître l'avait laissé SAUTER dans la voiture alors qu'on n'était même pas un samedi. Était-il enfin parvenu à le convaincre de chasser tous les jours ? Triomphal, Achille avait fait le plus long voyage en voiture de sa vie, collé à la vitre avant-droite, occupé à regarder défiler le paysage à la recherche de quelque chose qui pouvait ressembler à un lapin.

Il avait aboyé quelquefois, pour un morceau de bâche qui sortait de terre et prenait la forme d'un lapin ou pour une feuille qui évoquait la longue oreille de ces si désirables animaux. Son maître n'aimait pas l'entendre aboyer en voiture, mais ça sortait tout seul.

Lorsque la voiture s'était arrêtée, il y eut une tempête d'aboiements. Le maître calma Achille, et le laissa se défouler un peu sur une pelouse bien tondue, mais en le rappelant dès qu'il s'éloignait. Leur pause dura quelques minutes à peine, puis ils remontèrent dans la voiture. Il va me conduire dans un coin de chasse encore plus formidable, songea Achille, surexcité, qui aurait chassé le lapin sur l'aire d'autoroute s'il l'avait pu.

La suite du voyage fut longue, interminable. Mais finalement, ils arrivèrent dans un endroit étrange. Achille ne connaissait pas les montagnes, et ce paysage lui semblait extraordinaire. Ça doit grouiller de lapins, par ici ! s'émerveillait-il tandis que le maître le conduisait, à la laisse, dans un endroit qui sentait le chien.

Très vite, il n'y eut plus aucune odeur familière. Le maître s'éloignait. C'était déjà l'après-midi, tous les chiens du coin ne semblaient même pas attendre qu'on les envoie à la chasse. Heureusement que je suis là, moi ! Surexcité, Achille resta près de la sortie de son chenil individuel, sûr qu'on ne tarderait pas à revenir le libérer pour l'envoyer courir après les lapins.

Et il attendit un certain temps, tout impatient à l'idée de la chasse. Quand il reconnut l'odeur de son maître, fou de joie, il se mit à l'appeler.

" Je suis là ! Je suis là ! Il y a plein de lapins, je les ai sentis ! "

Grande fut sa surprise quand il réalisa que celui qui s'approchait était en fait un autre chien.
" T'es qui ? Pourquoi tu sens comme mon maître ? Il est parti chasser avec toi ?! "

Plein de naïveté, Achille ne masquait rien de sa vraie nature.

" Euh bonjour ... " fit son grand interlocuteur.

Lorsqu'on ne parlait pas de chasse, Achille donnait parfois l'impression de ne rien écouter à ce qu'on lui disait. Il continuait d'observer l'inconnu, toujours aussi excité, sans même songer à lui renvoyer son bonjour.

" Je m'appelle Charon, je suis un chien du village. Quant à ton maitre, aucune idée. Je ne vais pas chasser... "

Le cerveau très sélectif d'Achille ne retenait que la dernière phrase, qu'il ne pouvait pas concevoir au présent gnomique. Il comprenait simplement que ce mâle ne prévoyait pas de chasser dans l'immédiat. Mais cela suffisait à faire germer mille autres questions dans l'esprit curieux du jeune épagneul breton ! Il n'y a pas de chasse aujourd'hui ? Nous sommes arrivés trop tard ? Es-tu convalescent ? Pourrai-je chasser quand même ? As-tu vu mon maître ? Est-il en tenue de chasse ?

" ... juste me balader avec mon maitre et ses amis. Je l'ai peut-être déjà croisé. Comment s'appelle-t-il ? " reprit Charon l'air de rien. Il ne devinait pas l'extrême état d'agitation dans lequel il avait plongé Achille.

" C'est Monsieur Duchamp ! Il... Tu l'as vu où ? Il est déjà en tenue pour chasser ? Il va passer me prendre quand ? J'espère qu'on n'est pas arrivés trop tard, on dirait que les autres chasseurs sont déjà partis... Mais d'ailleurs... "

Il se remémora toutes ces odeurs de chiens autour de lui. Il ne pouvait pas vraiment communiquer avec eux depuis son chenil, mais il soupçonnait que certains étaient encore dans les environs, comme ce Charon. " Vous êtes tous malades ? On est chez le vétérinaire ? Tu crois que je serai sorti à temps pour la chasse ? "

Les questions se succédaient sans qu'il laisse vraiment le temps à cet inconnu de lui répondre. Il n'en était pas vraiment conscient, son enthousiasme et sa spontanéité le rendaient assez difficile à suivre. Il poursuivit, avec un air de doute :

" T'es sûr que ton maître n'est pas parti chasser sans toi ? Le mien, il adore faire ce jeu-là... "

Et puis, révélant petit à petit et toujours plus qu'il n'écoutait que la moitié de ce qu'on lui disait : " Mais en fait, t'es qui toi ? Tu as vu mon maître ? C'est Monsieur Duchamp, il est gros et très gentil, il faut qu'on aille chasser ! "

Spoiler:

L'esprit du chien était préoccupé par une seule chose : la chasse. Charon s'en rendit compte très rapidement car le petit ne tenait pas en place décrivant son maître avec qu'il devait régulièrement se rendre à la chasse. Julien ne l'avait jamais fait chasser, ce n'était pas son hobby, il avait parfois accompagné certains de ses camarades chasseurs pour entrainer le Tamaskan au pistage, toutefois ce n'était pas une occurence régulière. Le mâle s'assit face à l'enclos du petit et attendit qu'il finisse de débiter ses paroles qui sortait comme un flot de torrent intarissable.

Le loup pencha la tête d'un côté puis de l'autre pour réfléchir à toutes les questions que l'épagneul venait de lancer dans sa direction, il en avait déjà oublié la moitié.

" Je ne crois pas que ce soit le vétérinaire ici. De ce que j'ai compris les humains déposent leurs chiens en prison pour partir vivre leur vie sans eux quelques temps, mais je t'avoue que je n'en sais rien. C'est seulement ce que j'ai entendu de quelques chiens d'ici. "

Il marqua une pause avant de reprendre.

" Pour ce qui est de la chasse mon maitre ne chasse pas donc ça m'étonnerait, il est au travail aujourd'hui, en bureau donc il ne peut pas me prendre avec lui. Par contre, j'ai du mal à croire que ton maitre soit parti chasser sans toi, ce n'est pas un jour de chasse aujourd'hui, si ? "

Demanda Charon qui s'était peut-être un peu emmêlé dans ses dates.
C'était compliqué de communiquer avec un chiot fringant et obsédé par une seule et même chose : la chasse, malgré tout le loup ne perdait pas patience.

" Je suis un chien du coin, j'appartiens au garde-forestier. Quant à ton maître, il n'aurait pas eu une chienne du nom de Greta par le passé ? Je crois que le nom me dit quelque chose ... "

Déclara-t-il en se creusant la tête afin de savoir quoi répondre à ce chien dont il ne savait pas grand chose.
Dans son souvenir, l'homme en question correspondait plutôt bien aux descriptions faîtes par l'épagneul breton, ceci dit ce n'était pas le seul type qui lui venait en tête alors il était tout à fait possible qu'il soit complètement à côté de la plaque.

" Je ne crois pas que ce soit le vétérinaire ici. De ce que j'ai compris les humains déposent leurs chiens en prison pour partir vivre leur vie sans eux quelques temps, mais je t'avoue que je n'en sais rien. C'est seulement ce que j'ai entendu de quelques chiens d'ici. "

En prison ? Ces mots ne résonnaient pas dans le cœur d'Achille. Il n'imaginait même pas qu'une telle idée ait pu un jour germer dans l'esprit de son maître. Néanmoins, le calme de Charon était légèrement contagieux, et petit à petit, Achille parvenait à se poser, et à tenter de réfléchir.

" Pour ce qui est de la chasse mon maitre ne chasse pas donc ça m'étonnerait, il est au travail aujourd'hui, en bureau donc il ne peut pas me prendre avec lui. Par contre, j'ai du mal à croire que ton maitre soit parti chasser sans toi, ce n'est pas un jour de chasse aujourd'hui, si ? "

Achille ne s'expliquait pas que son maître l'emmène en voiture pour une autre raison que pour le faire courir après les lapins. Un petit aboiement de protestation le prit, et il tenta de pousser la porte avec son museau, mais rien à faire, il restait enfermé.

" Je suis un chien du coin, j'appartiens au garde-forestier. Quant à ton maître, il n'aurait pas eu une chienne du nom de Greta par le passé ? Je crois que le nom me dit quelque chose ...
- On m'a déjà parlé d'elle mais je ne l'ai jamais vue... En tout cas, il paraît qu'elle connaissait bien mon maître, oui ! " s'excita Achille, qui comprenait soudain qu'il ne s'était pas trompé en reconnaissant l'odeur de son maître sur Charon.

" Si tu dis ça, c'est que j'ai raison ! Mon maître, tu l'as vu il n'y a pas longtemps, tu le connais, il y a son odeur sur toi ! "

Son impatience le rendait presque suppliant quand il ajoutait : " Tu peux lui rappeler que je suis là, hein ? Tu peux lui dire que je suis prêt, que je suis réveillé, que dès qu'il veut je pars avec lui ! "

Ses pattes s'agitaient, il ne tenait plus en place. Il se contrôlait parfois si peu lui-même que les humains ne pouvaient même pas espérer le calmer.

Il y eut un instant d'incompréhension dans le regard du jeune chien qui saisissait tout juste la situation qui était la sienne. Charon ne les avait jamais envié ceux qui passent leurs temps dans ces boxes. Oui on les sortait, oui on s'occupait d'eux, mais au fond n'avaient-ils pas tous un sentiment d'isolement et d'abandon qui ne pouvait être réparé par rien de ce que les employés faisaient. Ce vide ne pouvait être comblé que par le maitre aimant qui les avait laissé là. Heureusement pour Charon, Julien ne le placerait jamais ici, et il en était fort heureux.

Heureusement la joie de vivre du jeune cabris revint au grand galop lorsque le Tamaskan évoqua la vieille chienne du chasseur que connaissait Julien. Il était donc la nouvelle recrue du monsieur. Il ne s'était pas trompé. Achille devait avoir autant d'enthousiasme pour la chasse que la bonne Greta, peut-être même plus.

" Euh oui je l'ai brièvement croisé. Il est passé saluer mon maitre il y a quelques heures de ça. Je ne sais pas si je vais le recroiser mais soit certain que si c'est le cas je lui transmettrai ton message. "

Il avait presque de la peine pour Achille, à le voir suppliant derrière les barreaux. Si seulement ce n'était pas si solide, il aurait aidé le petit jeune à prendre la poudre d'escampette.

" Et sinon tu chasses depuis longtemps ? "

Demanda-t-il pour essayer de détourner l'attention de l'épagneul sur autre chose.

" Euh oui je l'ai brièvement croisé. Il est passé saluer mon maitre il y a quelques heures de ça. Je ne sais pas si je vais le recroiser mais soit certain que si c'est le cas je lui transmettrai ton message. "

Quand on était impatient comme Achille, on n'entendait que ce qu'on voulait entendre. Il va le revoir, il va lui dire, et du coup, le maître viendra me prendre ! Qu'attends-tu ? Allez ! Vite ! L'autre en face ne bougeait pas tandis que l'épagneul trépignait.

" Et sinon tu chasses depuis longtemps ?
- Bien sûr ! J'ai toujours chassé, moi ! " rétorqua-t-il du tac au tac. C'était sa fierté, son orgueil, sa dignité qui était mise en doute. Il ne concevait pas qu'un chien puisse se croire en vie tout en ne chassant pas.

Mais pourtant, Achille ne chassait en réalité pas depuis très longtemps : il n'avait qu'un an d'âge derrière lui. Seulement, il y était presque né, et il avait déjà eu le temps de prendre ses habitudes.

" Mais c'est la première fois que je vois un endroit pareil. Là où j'habite d'habitude, il n'y a pas... " il regardait les montagnes, un peu perplexe... " C'est très différent. Les odeurs, aussi. Je suis sûr que par ici, il y a beaucoup de gibier ! " il en bavait d'excitation.  " Je ne sais pas comment tu fais pour être aussi calme ! Tu es déjà fatigué ? "

L'épagneul était né dans la chasse, comme tout bon chien de chasseur. Charon qui avait été entrainé à ignorer ses instincts afin de ne pas causer de problème à la faune sauvage pendant que son maitre faisait son travail. Il comprenait vaguement l'envie de chasser, ça lui était arrivé de vouloir poursuivre quelque chose pour s'amuser, mais il n'en voyait pas particulièrement l'intérêt. Il recevait sa ration matin et soir, il n'avait pas faim. L'idée de poursuivre une proie n'était intéressant que dans l'idée du pistage et de la course, et il pouvait faire ça avec des copains chiens.

" Ah ça oui ! Il y a des bêtes partout. Surtout dans le parc naturel du coin. Des biches, des daims, des marmottes, tout ce que tu peux imaginer ! "

Commença-t-il par dire en regardant la montagne derrière lui.
On apercevait quelques sommets par de la des haies qui entouraient le camping.

" Non je ne suis pas fatigué. Mais je suis en mission d'infiltration ici. Il faut que je sois discret, je ne peux pas me laisser prendre. Je ne suis pas sensé être ici. "

Dit-il en murmurant pour que l'information ne se propage pas trop.
Honnêtement Charon venait de confier cette information à un inconnu surexcité, ce n'était sûrement pas la meilleure carte qu'il pouvait jouer. Mais le Tamaskan ne faisait pas toujours preuve de bon jugement en ce qui concernait de juger du caractère des autres.

" Ah ça oui ! Il y a des bêtes partout. Surtout dans le parc naturel du coin. Des biches, des daims, des marmottes, tout ce que tu peux imaginer ! "

Dire des choses pareilles à Achille multipliait son rythme cardiaque. Il ne parvenait pas à rester immobile et se retournait sans cesse dans son chenil. Les gros animaux et les marmottes n'avaient jamais été sa spécialité, mais la présence abondante de proies non loin de lui l'empêchait de son concentrer.

" Non je ne suis pas fatigué. Mais je suis en mission d'infiltration ici. Il faut que je sois discret, je ne peux pas me laisser prendre. Je ne suis pas sensé être ici.
- HEIN ? MISSION D'INFILTRATION ?! " aboya le jeunot excessivement fort, car il était si distrait qu'il lui fallait répéter les mots pour s'imprégner de leur sens. Tout ce qui pouvait ressembler de près ou de loin à de l'action l'emballait.
" ET POURQUOI JE NE SUIS PAS ENCORE PARTI, MOI ! " reprit-il, ingénu et sanglotant. " D'habitude quand il fait jour je peux sortir et faire un peu de reconnaissance... Pourquoi il m'a laissé là aujourd'hui... "

Il ne réfléchissait pas vraiment, mais son envie de participer à la "mission" de son interlocuteur lui rappelait d'autant plus cruellement qu'il ne pouvait rien faire depuis cette cage.

" Tu crois que... Il t'a dit que je n'étais pas sage ? " se dit Achille qui ne se souvenait pas avoir été réprimandé ce jour-là.

" Pourquoi est-ce qu'il te laisserait ici pour une bêtise ? Non je ne pense pas. Pour dire vrai je ne sais pas trop pourquoi les gens laissent leurs chiens ici. Mais je peux essayer de le découvrir ?
- Tu peux faire ça ?! "

Il en était tout écarquillé. Il sembla soudain vraiment réaliser que Charon était libre, alors que lui, il était enfermé.

" Tu peux faire ça ?! Mais oui tu peux ! "

Cette perspective ne le calmait pas, bien au contraire.

" C'est fou, ce que tu es gentil ! Tu sais, je suis sûr que mon maître, il ne me laisserait pas ici s'il le pouvait. D'habitude, il ne me met au chenil que la nuit, pour que je dorme tranquillement. "

Son excès d'enthousiasme attira l'attention d'un humain. Achille ne le connaissait pas, mais il l'entendit s'approcher.

Spoiler:

Le mâle plaqua les oreilles sur son crâne, le petit n’arrivait pas à baisser la voix et cela n’allait pas arranger ses affaires. Un bruit provint de l’installation humaine qui respirait les effluves de café. Le Tamaskan trouvait cette odeur particulièrement agressive à ses narines et n’appréciait pas que Julien le réveil avec ce parfum de bon matin. Il devait avouer que parfois ça le rendait un peu grognon. Ni de une, ni de deux, avant que la porte ne claque indiquant que l’humain était à l’extérieur le chien à l’allure de loup s’était caché en dessous d’une haie de buisson. Il était recroquevillé sur lui même, plus bas que terre, à tenter de se dissimuler.

« Fais comme si de rien était surtout ! Faut pas qu’il me trouve où je vais avoir des problèmes. »


Dit-il d’une voix faible mais suffisamment forte pour que l’épagneul puisse l’entendre.
Sa couverture dépendait de lui à présent, s’il regardait la cachette du Tamaskan avec insistance, il n’y avait pas de doute qu’un des professionnels du camping allait venir fouiller. Il serait alors obligé d’abandonner Achille dans son boxe et de renoncer à sa mission.

L'étrange infiltration s'éclipsa à la vitesse de l'éclair, ce qui intrigua Achille. [color:13b8=#nuage]" Tu n'oublies pas, hein, tu n'oublies pas ! " s'exclama-t-il, comme si répéter deux fois la même chose rendrait son message plus audible. Mais le disparu n'était pas tout à fait partie. Achille le discernait encore, dans la broussaille, et pencha la tête sur le côté, intrigué.

« Fais comme si de rien était surtout ! Faut pas qu’il me trouve où je vais avoir des problèmes. » lui souffla-t-il tandis que l'humain approchait.

Il avait bien tort de s'inquiéter, car dès que l'humain fut assez proche, il captiva immédiatement toute l'attention d'Achille, par les mille et une odeurs qu'il dégageait.

« Tiens ! Je l'ai jamais vu, lui ! » s'exclama-t-il avant de s'accroupir pour mieux le regarder.

Agitant la queue à tout rompre, Achille s'emporta : « Ça y est, c'est bon, c'est l'heure de la chasse ? Vous allez m'emmener ?
- Tu t'appelles Achille, toi, c'est ça ?
- Emmenez-moi, allez, je suis tout prêt !! » Il trépignait tellement qu'il en pleurait presque.

Mais cela n'eut pas vraiment l'effet escompté sur l'homme.
" Tu m'as l'air un peu gueulard sur les bords... Va falloir te calmer un peu. Oh... Il n'est pas vieux, il apprendra vite à se tenir bien... "

Il semblait tout attendri, et lui offrait sa main pour qu'il puisse la renifler, mais il n'ouvrait pas le chenil. Et en face de lui, Achille gardait intacts ses espoirs vains.

" Sois sage un peu, et je m'occuperai de toi. " fit l'humain en se relevant. " Non, tais-toi ! " reprit-il en voyant qu'Achille aboyait d'excitation.

C'était encore inutile de lui demander de se taire. Il le vit bien, et sans un mot, seulement avec un soupir, il regagna sa loge. Achille le suivit des yeux, tout triste., Étrangement, il avait complètement oublié l'existence de Charon. Il avait du mal à être attentif à plusieurs choses à la fois.

Heureusement l'épagneul de par sa façon d'agir captiva aussitôt toute l'attention sur lui. Parfait ! Charon n'avait qu'à rester discret et il n'y aurait pas de problèmes. Par contre le pauvre Achille devait être fort déçu du peu d'attention auquel il avait eu droit de la part du bipède. Á part lui adresser quelques paroles, on ne pouvait pas dire que le jeune mâle avait reçu beaucoup d'aide de la part de l'humain. Le Tamaskan resta caché encore une bonne minute après la disparition de l'humain. Il ferma les yeux et écouta très attentivement le bruit aux alentours avant de sortir de sa cachette et trotter en direction du jeune Achille. Il avait l'air clairement abattu. Le pauvre.
Comment pouvait-il lui remonter le moral ?

" Écoute en attendant que je te porte les nouvelles que je peux récupérer au sujet de ton maître, est-ce que ça te dirais de me rendre un petit service pour t'occuper l'esprit ? "

Demanda le chien avec un petit sourire sympathique sur les babines.
Il n'était pas certains que ça aide vraiment Achille, ce dernier semblant être distrait au bout de quelques minutes seulement et oublier tout ce qui l'entourait pour ne penser qu'à la chasse, mais ça valait le coup d'essayer au moins.

Le silence revint vite, et Achille se croyait à nouveau seul. Il continuait de fixer, au loin, le point où avait disparu cette silhouette humaine, et c'était comme si le temps s'arrêtait, comme s'il était condamné à attendre jusqu'au bout de l'éternité. Son cœur ne semblait battre que pour voir son maître apparaître là où l'inconnu avait disparu.

" Écoute " fit une voix. Le Tamaska avait réapparu, par magie. Achille en fut tout ébobi. " En attendant que je te porte les nouvelles que je peux récupérer au sujet de ton maître... " Son sang bouillonnait furieusement à cette idée. C'est vrai ? Tu vas le voir ? Tu vas tout me dire ? Tu vas le faire revenir ? " ... est-ce que ça te dirais de me rendre un petit service pour t'occuper l'esprit ? "

Il était difficile de retenir l'attention d'Achille, surtout lorsqu'il débordait d'enthousiasme, mais Charon avait eu cette fois-là une idée géniale : pour se faire entendre, il se servait lui-même de toute cette impatience qui émanait de l'épagneul breton.

Il entendit nettement "service". Tu penses ? Tu penses que je peux faire quelque chose ? Quelque chose que je n'ai pas déjà essayé de faire mais qui sera utile ? Explique-moi, explique-moi ! dansaient les jeunes flammes de son regard. Il était intrigué jusqu'au bout des poils.

" J'ai croisé ici une chienne du nom de Shukara. Comme toi elle semble être prisonnière du lieu. Si tu la vois, est-ce que tu peux lui dire que Charon la cherche ? Cela me rendrait vraiment service. Et puis même si tu ne peux pas lui parler, ne serait-ce que de me confirmer sa présence ici me rendrait vraiment service. "

Tout enthousiaste à la seule idée d'être mis au courant d'une chose importante, Achille remuait la queue frénétiquement, on lisait dans son attitude que sa cervelle débordait de questions.

" Shukara est une grande chienne noire, berger allemand. Je pense qu'il n'y en a pas des centaines comme elle ici. " le devança Charon.

" Berger allemand ? " Il n'avait jamais entendu parler de ces chiens-là, qu'on n'emmenait jamais chasser par chez lui. " D'accord ! Très bien ! " Sa petite fierté d'épagneul breton le poussait à donner l'air de toujours tout comprendre lorsqu'il le pouvait, même lorsque c'était faux. " Tu veux la retrouver parce que... " il baissa la voix, pour plaisanter de la même façon qu'entre chiens de chasse, on s'autorisait de scabreuses plaisanteries dans son pays : " ... t'as peur qu'il y ait un cochon sur sa piste ? "

C'était gras. Lui-même était innocent, mais il avait le sentiment, à répéter ces petites bribes de bonne humeur, de revivre ses périodiques petites scènes de chasse, de retrouver ses copains amateurs de bécasses et de faisans.

Charon observa le jeune chiot quelques secondes. Il était idiot. Il n'avait aucune idée de ce que l'épagneul sous-entendait par cette blague. Le Tamaskan avait simplement envie de savoir si elle allait bien car la dernière fois elle tâchait de fuir cette prison et elle avait malheureusement échoué. Il se demandait si elle avait de nouveau besoin d'aide pour s'échapper. Et oui peut-être qu'il s'était quelque peu entiché du regard ambré de la chienne. Ou peut-être pas, peut-être était-il implement fasciné par la sauvagerie dont elle était capable de faire preuve et son imprévisibilité. Nul ne savait vraiment les raisons qui le poussaient à vouloir prendre des nouvelles de la chienne. Lui même ne savait pas trop pourquoi c'était si important mais ça l'était !

" J'ai juste besoin de savoir si elle a besoin d'aide pour s'échapper d'ici. Et puis comme je ne sais pas ce qu'elle est devenue après s'être faite rattrapée, je veux m'assurer que les hommes ne lui aient rien fait de mal. "

Déclara-t-il avec beaucoup d'innocence, ignorant complètement le commentaire du jeune mâle.
Oui Charon était un être innocent pour le moment et surtout ne comprenant rien aux émotions et aux désirs qu'on pouvait ressentir pour un autre individu.

" Bon je ferai mieux de ne pas trop trainer, si jamais les hommes tombent sur moi je vais avoir des ennuies... "

Dit-il à l'épagneul même s'il n'avait pas encore envie de lui fausser compagnie.
Cela lui faisait mal de l'abandonner ainsi, mais il n'avait pas particulièrement le choix, surtout s'il devait aller à la recherche de Monsieur Duchamp.