Pour l'hiver, juste un mouton et un pullover, ft Lagu'

Cela faisait maintenant plusieurs semaines-cela se comptait même en mois désormais- que le troupeau avait quitté les verts pâturages, devenus blancs pour le village. Ce n'était que le deuxième hiver de Laguna, mais déjà, elle avait décidé d'élire cette période de l'année celle qu'elle aimait le moins. Ce n'était pas tant le froid ou la neige qui la dérangeait. Au contraire! Elle adorait se roulait dans cette dernière, sentir ses pattes s'enfonçaient, voir Txeru et les moutons se fondre dans le paysage… Tout cela était agréable.

Cependant, durant cette saison, ils étaient cloitrés dans la bergerie et le champ avoisinant. Et ce qu'aimait la chienne, c'était se balader de montagne, sentir son air frais traversait ses poils, voir ses habitants. Mais non. Surtout que tout cela devait être magnifique en blanc!

Au lieu de ça, elle se trouvait coincée ici, parmi d'autres chiens du village, dont certains venaient même dans sa demeure, leur maitre venant acheter du fromage. Et c'était exactement ce qui était en train de se produire en ce moment.

Joseph alla ouvrir la porte en bois, invitant un couple à rentrer en souriant, et leur chienne. Plus petite qu'elle, beige, avec des poils qui formaient des boucles. La border collie l'observait d'un recoin, ou était allongé Txeru à ses côtés.
Lui non plus n'appréciait pas l'hiver. Le troupeau, dans son champs, n'avait pas besoin de sa protection, les grillages le faisant très bien. Et puis, il n'allait pas trop croiser de chien errant ou de loup au milieu des habitations. Malgré ça, le patou refusait de quitter la bergerie, un vrai père avec ses enfants.

La chienne en sentant l'odeur régnant dans le bâtiment, pas des plus agréables il fallait l'avouer, eut un rictus dégoutté et râla:

"Mais dans quel satané endroit je suis atterrie ?"

Txeru, en entendant ses mots, se mit à râler (il devenait de plus en plus grincheux avec l'âge) , assez bas pour que la visiteuse ne l'entende pas:

"Ah, écoute moi cette pimbêche! Encore une pourrie gâtée qui connait rien à la vie!
"Txeru! s'indigna Laguna, toujours à voix basse pour ne pas se faire entendre  "Voyons! Tu ne la connais pas, et puis il faut dire, l'odeur n'est pas terrible quand on est pas habitué."

Il lui donna un coup de queue dans le flanc, avant de s'éloigner, en lui murmurant:
"Et bah si c'est ainsi, va donc lui parler à la princesse de service, j'observerai ça avec attention"

Avant de la laisser seule. La voila dans de beaux draps. Fichu Txeru! Il sait très bien que je n'aime pas ça! Mais voilà, si elle ne faisait rien, il allait lui casser les pattes pendant des semaines avec cet incident. Et elle n'avait aucune envie de supporter cela quand ses issues de secours étaient si réduites.

Bon, quand faut y aller! Mais bon, l'autre n'avait pas l'air bien sympathique. Il fallait le dire, elles devaient appartenir à deux mondes totalement différents. Cependant, il fallait forcer sa nature. Peut-être que cette chienne était aimable qu'elle en avait l'air. Il fallait aller au delà de la première impression.

Ainsi, Laguna s'approcha, pour finir à côté d'elle et de lancer, pas trop fort, pour ne pas la surprendre:

"B-bonjour! On est dans une bergerie, c'est pour ça qu'il y a cette odeur, c'est à cause des moutons. "

Sans oublier, bien sur, expression indispensable de Laguna en public: son sourire gêné.

"J'avais cru comprendre, merci."

Ton froid.
Ah.
Elle avait encore merdé visiblement. Bordel, pourquoi ne pouvait-elle pas être normale, et savoir s'exprimer sans répandre la gène et le mécontentement où elle allait?
Voilà qu'un tremblement la prit. Elle voulait sortir de cette situation. Pourquoi avait du t-elle reprendre Txeru sur ce qu'il avait dit. Elle aurait du juste se taire, et au diable l'idée de ne pas se fier aux apparences! Quoiqu'elle fasse, elle ne changerait pas la moindre idée qui logeait dans le crane de ce têtu.

"Enchantée, moi c'est Pepsi. Ca doit être dur de vivre ici, non ? Vous dormez dans le foin?
-D-de même! Moi c'est Laguna."

Elle n'avait pas demandé son nom, mais ce n'était pas perturbant de le dire aussi, n'est ce pas? Quand on se présentait, on attendait que l'autre le fasse, aussi? Mais dans ce cas, on pose la question? Avait-elle encore fait une gourde? Ah! C'était à se demander si elle savait faire autre chose!

La dénommée Pepsi lui avait posé une question. Maintenant il fallait y répondre. Dormir dans le foin. Parfois, pas toujours. C'était plus Txeru qui le faisait, en hiver, pour rester près des moutons. Elle rejoignait souvent Joseph dans la petite maison avoisinante, où elle possédait un panier. Ici, car à la montagne, ce n'était jamais la même. Elle trouvait un endroit chaque nuit, c'était si agréable! La petite brise, les étoiles...

"On peut et non, pas vraiment. Quand on est à la bergerie, le plus souvent, je vais dans la maison dormir cependant. Sinon la plupart du temps, quand on est dans les pâturages, on dort dans la cabane, ou en montagne, dans un coin qu'on trouve. "

Aussi incompétente socialement qu'elle était, elle savait que pour une discussion se passe bien, il fallait l'entretenir. Que pouvait-elle dire? Et bien, cette tête lui était nouvelle, malgré plusieurs tours qu'elle avait fait au village, cet hiver, comme le dernier. Elle connaissait les têtes, et odeurs, mais pas les voix, ou les caractères. Car elle les évitait tout simplement.

"E-et vous? Laguna vouvoyait tout le monde, d'instinct, elle serait capable de le faire pour un chiot. "Vous n'êtes pas d'ici, si? Je ne vous ai jamais vu au village."

"Tu peux me tutoyer tu sais. Je suis une citadine mais je reste un chien, haha ! Je viens de la ville, loin d'ici. Très très loin."

Tutoyer? Elle ne se le permettait que très peu. Juste avec Txeru en réalité. Ce serait compliqué de se débarrasser de cette habitude. Elle vouvoierait même un chiot.
Brrrr la ville, qu'est ce qu'elle détesterait aller la-bas! Trop de bruit, trop de gens... Enfin c'est ce qu'n lui avait raconté. Un chien de passage qui avait fait une description au patou, qu'elle avait écouté, de loin, l'air de rien. Un amas de gens, collés les uns aux autres, des bruits de véhicules constants, incessants. La foule, ... quand les mots étaient sortis de sa gueule, peignant un tableau qui ressemblait à l'enfer à ses yeux, elle s'était retrouvée prise de nausées, toute chamboulée. Depuis, elle s'était promise de ne pas y mettre une patte.

Aller très loin n'avait jamais été un de ses désirs. Elle se sentait reliée à elle, et avait bien déjà assez de paysages et de coins à découvrir sur ses pâturages, ses hauts plateaux, et même ses grottes! La quitter serait définitivement un crève-coeur pour elle, déjà qu'elle ressentait son éloignement, ici au village, malgré sa vue.

"On est hébergés dans le camping à côté. Mais je ne dors pas en tente, non, non, surtout pas, mais dans un mobil-home. J'ai un fauteuil pour moi seule !"

Le-le camping? La où elle avait rencontré Yago, ce malinois qui l'avait terrorisé? C'était possible de dormir dans un tel endroit, avec un tel... phénomène, disons, dans les environs? Brrr, rien que d'y penser, elle avait des frissons!
Au moins, elle semblait à l'aise. Avec un fauteuil pour elle seule. Pas de doutes que Pepsi était habituée a une vie coquette, privilégiée même, mais il n'y avait guerre d'envie chez la chienne de berger! Elle était très bien (bon à part sa phobie sociale) comme elle était! Chacun ses préférences, et son éducation aussi.

Mais le camping... elle imaginait déjà la petite chienne sous les crocs de ce fou furieux de Yago, qui aimait voir la peur dans les yeux des autres. Brrr si effrayant.

"Au camping? Mais, il n'y a pas des chiens dangereux là-bas? J'y sis alée une fois et j'en ai rencontré un vraiment effrayant!"