Incarnez un chien dans un camp des Pyrénées, qu'il soit de pur-race ou bâtard !
 
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Sam 23 Fév 2019 - 11:34
Ce matin-là, la fille du maître avait déposé Eika sans se retourner à la gare. Une employée l'avait mise en cage, et chargée dans un compartiment à bagages.
Eika n'avait rien dit: elle était ravie, monter dans un train voulait sûrement dire retrouver le maître! Même si elle était mal à l'aise dans sa petite cage, qu'elle n'avait pas la place de se retourner et que le voyage lui semblait interminable, elle était heureuse. En dressant la tête, elle pouvait voir défiler des paysages inconnus et sublimes, et elle essayait vainement de capter les odeurs qui devaient être là, partout, au dehors.
Lorsque le train s'arrêta en grinçant, elle se redressa, frétillante. Le maître allait venir!
Malheureusement, ce fut un inconnu qui se présenta. Il lui dit quelques mots gentils à travers la grille, souleva sa cage et la sortit du train. Arrivée sur le quai, Eika n'avait plus de doutes: on ne l'avait pas emmenée ici pour retrouver le maître. Avec le bout de ses dents, elle attaqua le loquet qui fermait sa cage avec habileté, et quelques secondes plus tard, celle-ci s'ouvrait. Eika s'élança au-dehors sans hésiter, et saura au sol, ignorant les appels de l'inconnu qui l'avait sortie du train. Elle voulait s'éloigner de lui au début, mais il se mit à lui courir après, et Eika adorait ce jeu: elle le laissait donc s'approcher à quelques mètres d'elle avant de repartir dès qu'il espérait l'attraper.
Au bout de cinq minutes de ce petit jeu, elle s'était assez éloignée pour prendre le temps de renifler autour de la gare, essayant de comprendre où elle était. Elle aurait pu profiter du splendide décor du village, mais elle était inquiète: comment faire pour retrouver son maître?
Alors qu'elle évitait lestement un nouvel assaut de l'inconnu, qui voulait visiblement la faire retourner en cage, une odeur plus forte que les autres lui heurta les narines. Elle n'eut pas besoin de se concentrer pour la reconnaître: c'était l'odeur de l'instabilité, et celle du danger.
Cette odeur réveilla tous ses sens de chien de terrier instantanément: elle s'élança dans la bonne direction, et ignorant les cris inquiets de l'employé, qui avait visiblement lui aussi perçu un danger, elle s'approcha en trottinant de l'origine de l'odeur: un grand chien, tenu en laisse par un autre homme. Eika vit très vite que le chien, qui ne l'avait pas encore regardée, devait être très fier: elle le salua donc de la manière la plus polie qu'elle connaissait, restant à distance respectable pour ne pas le surprendre, elle ne l'approcha pas de face mais en décrivant un arc-de-cercle pour le prendre de côté. Elle battait légèrement de la queue, heureuse de rencontrer un autre chien, mais ne manifestait aucune excitation pour ne pas l'agacer.
Le chien était immense, par rapport à elle, mais elle connaissait des terre-neuves et ne fut donc pas trop impressionnée: en revanche, celui-là ne dégagait pas du tout la même impression de force tranquille que les terre-neuve. Elle n'avait jamais vu ce genre de chien, qui malgré sa stature, ressentait le besoin de dégager une aura menaçante.
Alors qu'elle s'apprêter à parler, l'inconnu de la gare tenta de l'attraper par surprise: Eika ne l'évita que de justesse cette fois. Voyant qu'il se reculait précipitemment pour ne pas entrer en contact avec le malinois, Eika décida de ne pas trop s'en éloigner. Mais pour ça il lui faudrait sa permission... Restant en mouvement pour ne pas se faire attraper par l'humain, et toujours à bonne distance du grand chien pour être respectueuse, elle lui demanda:
"Qu'est-ce qu'ils ont les humains, ici? Ils nous veulent quoi?"
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Eika
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Eika
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Eika
Dim 24 Fév 2019 - 19:33
Yago tirait comme un forcené sur la laisse. Il ne savait que trop bien que c'était de l'énergie de perdue, mais qu'importe. C'était une simple rébellion contre Pierre, qui le tenait prisonnier dans ce satané camping qui ne comptait que des clébards incapables de se battre. C'était entièrement de sa faute, s'il devenait fou, à tourner en rond, à terroriser les border collies qui venaient dans le chenil. Oh, il avait bien protégé sa chienne, la fidèle Nirvana, mais c'était un jour où il avait pu retrouver un quelconque souvenir de son passé. Le sang des bipèdes n'était pas le meilleur, mais tant que le liquide rouge au goût métallique coulait, il était heureux.

   Le propriétaire du camping portait d'ailleurs un cadeau de sa part. Sa main était enroulée d'un tissu blanc, là où il l'avait mordu la veille, malgré ses démarches prudentes. Ce matin-là, il avait demandé à un de ses employés de l'aider à attacher le monstre. Oh, il n'avait pas utilisé ces termes, mais la frayeur qui luisait dans les yeux du courageux bonhomme qui avait dû le rejoindre, cela aurait pu être pareil. Il s'était déchaîné dans son boxe, alors qu'on l'emmenait souvent dans un petit champ, seul, isolé de tous, là où il pouvait se défouler. Mais ce n'était pas l'énergie, la cause de ce petit accrochage, mais bien la haine qui l'habitait.

  Après de multiples techniques, ils réussirent à l'attacher et Pierre s'éloigna d'un bon pas, toujours en discutant en solitaire. Il ne pouvait pas même se taire quelques instants ? Enfin, il ne voulait pas lui donner le bonheur de lui accorder une quelconque attention, donc il ne s'énerva pas. Non, non, non. Ils traversèrent rapidement le village, croisant quelques papis avec leur canne. Yago mourrait d'envie de leur faire avaler leur bâton, de cesser de faire battre leur cœur qui ne tiendrait plus très longtemps. Ils aperçurent un des employés du patron, qui se dirigea vers la gare, et l'étrange duo le suivit.

    Ils arrivèrent quand une chienne, qui ne devait pas être très âgée, vu sa vivacité, s'échappait des mains de l'homme. Le confié l'observa du coin de l'œil, et s'appuyait contre son harnais, juste pour agacer Pierre. Et pour mettre en avant sa musculature puissante, même s'il n'en avait pas besoin. Il suffisait qu'il jette un regard noir à quelqu'un pour qu'il fonde. Pas sûr que ça marche sur le chien errant qu'il avait rencontré deux fois, mais celui-là était un cas. C'était un terrier, qui courait à en perdre haleine tel un stupide chiot. Ils étaient trop loin pour se faire distinguer mais elle l'aperçut rapidement. Si elle n'avait pas de cerveau, elle avait un flair. Voilà un bon point pour elle. Elle ne serait pas la pire des risées de son classement, elle serait avec la border collie stupide.

   Elle sembla très heureuse de le voir, bien qu'elle n'était pas stupide au point de sauter partout. Etonnant le malinois, la femelle fit un détour pour aller le voir. Il ne connaissait pas les règles de courtoisie, à vrai dire. Mais c'était fort étrange que ce rituel si particulier. Elle jappa, calme :
"Qu'est-ce qu'ils ont les humains, ici? Ils nous veulent quoi?"

    Yago la toisa froidement. Elle n'avait pas d'encéphale, dans sa tête beige toute poilue ? Les humains ne souhaitaient que le malheur d'autrui. C'était tout. Il n'y avait pas de question à se poser. Tout leur être n'était que mélange d'absurdité, d'autorité et de manque de jugeote. Les chiens auraient dû dominer le monde, et faire à ces individus tout ce qu'ils leur avaient fait. Et cela aurait pu marcher, à voir la terreur dans les yeux des autres dès qu'il faisait un mouvement. L'employé à l'idiote face à lui avait manqué tomber juste pour ne pas tomber dans les crocs du loup.
"Notre malheur. Ils ne savent faire que ça. Ah, nous détruire aussi, nous détruire.
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Yago
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Yago
Lun 25 Fév 2019 - 13:22
Eika était étonnée du comportement du malinois: tout ce que sa posture exprimait, c'était de la tension et de la colère. Il ne lui rendit pas son salut, mais ne la chassa pas non plus. Vu comme il la regardait, elle eut un doute: peut-être qu'il ne savait pas communiquer, tout simplement. On lui avait raconté que certains chiens, qui ne voyaient que des hommes et n'avaient pas eu de mère ni de frères et sœurs, ne connaissaient que des bribes de langage.
Elle fut rassurée lorsqu'il parla; c'était déjà ça!

"Notre malheur. Ils ne savent faire que ça. Ah, nous détruire aussi, nous détruire."

Eika eut un mouvement de recul: ce n'était pas la réponse qu'elle espérait. Mais ce n'était pas une grande surprise, puisque le maître n'était pas là, l'endroit ne pouvait pas être si agréable que ça. La fille du maître les avait vraiment trahis, elle avait promis de s'occuper d'elle jusqu'à ce qu'ils puissent de nouveau être réunis! elle espérait seulement que ce n'était pas l'endroit où on mettait les chiens dont plus personne ne voulait, elle avait entendu des histoires à faire froid dans le dos sur ces lieux, et elle avait un maître, qu'elle retrouverait bientôt!

Eika fit une cabriole pour défier l'employé qui semblait avoir abandonné l'idée de lui courir après, et alla se placer près de l'autre homme, celui qui tenait le malinois en laisse. Restant à 50 centimètres de lui, à l'opposé du grand chien, elle tendit le museau. Lui vinrent des effluves de sang, mêlées à l'odeur  du malinois: le coupable n'était pas difficile à imaginer. En revanche, elle ne sentit aucune agressivité de la part de l'homme.
Elle tourna ensuite le museau vers l'employé qui l'observait, dépité: celui-là était agacé, mais pas violent non plus. Eika comprenait de moins en moins ce qu'il se passait: ces humains n'avaient pas l'air méchant, alors pourquoi avaient-ils provoqué le grand chien, qui avait du en mordre un? Et pourquoi, s'ils ne leur voulaient pas de mal, le tenir en laisse comme un criminel? Elle jeta un œil à la laisse, et au malinois qui s'appuyait contre un étrange attirail qu'elle n'avait jamais vu et qui semblait le retenir prisonnier. Eika savait qu'un vrai maître ne tenait pas son chien en laisse s'il pouvait faire autrement: son maître ne lui avait mis une laisse qu'une ou deux fois, et encore, il la laissait traîner par terre. Les vrais maîtres ne couraient pas non plus après les chiens; c'était aux chiens de venir les voir.
Le grand chien devait donc avoir raison sur cet endroit; il fallait l'aider! elle songea que cela ne serait pas facile de s'échapper de cette chose de cuir et de tissu qui le retenait prisonnier; il fallait mettre en place une stratégie, son nouveau compagnon canin ne semblait pas en avoir d'autre que de tirer dessus.

" Le mieux avec les humains qui ne savent pas être des maîtres, c'est de faire semblant de faire comme ils veulent! "

Sa stratégie était déjà tracée: première étape, se faire pardonner d'avoir fait tourner en bourrique l'employé. Elle aboya joyeusement dans sa direction, battant de la queue, jeta un nouveau coup d'oeil dans la direction que l'homme et le chien prenaient sûrement avant de la croiser. Ensuite, elle fit quelques pas sur le chemin devant les deux promeneurs, se retournant pour les regarder, le regard souriant: elle encourageait clairement l'homme à reprendre sa marche, et c'est elle qui ouvrirait la promenade pour ce drôle de groupe.
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Eika
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Sam 2 Mar 2019 - 11:46
La chienne parut étonnée par ses propos, voire choquée. Cela amena une drôle de sensation à Yago, heureux de voir qu'on pouvait le prendre au sérieux, qu'on ait peur de lui malgré qu'il était prisonnier de son harnais, mais aussi de Pierre, qui le tenait d'une main ferme. L'odeur du liquide métallique dans sa main enroulée du tissu rôdait toujours dans les environs, au plus grand plaisir du malinois, qui aimait se sentir dangereux et méchant. Enfin, juste en cette période, juste parce qu'il commençait à comprendre que son maître ne reviendrait pas, cela faisait tellement longtemps qu'il était ici. Ce n'était que sa punition, d'avoir osé se lier avec le brun qui tenait sa laisse, de s'être laissé approcher, presque caresser, alors qu'il avait une réputation de chien de combat. Elle se plaça à une petite distance de lui, restant hors de portée de ses crocs aiguisés qui avaient déjà frappés ce matin.

  L'autre homme paraissait agacé par la femelle, qui n'en faisait strictement qu'à sa tête, et qui courrait partout sans jamais se fatiguer. Si son encéphale était minime, elle paraissait avoir assez de jugeote pour ne pas se faire attraper comme un vulgaire toutou. Ou peut-être qu'elle stressait d'aller dans le chenil, à cause de sa mise en garde peu accueillante. Un léger sourire de prédateur se dessina sur son visage fermé. Elle huma l'air, et répondit, plus heureuse que ce qu'il n'aurait pensé :
" Le mieux avec les humains qui ne savent pas être des maîtres, c'est de faire semblant de faire comme ils veulent! "

    Elle ne se laissait pas faire. Oh, ce n'était pas une lueur de respect qui s'alluma dans ses yeux sombres, il n'en avait que pour ceux qui étaient dignes de se battre avec lui, comme l'autre chien errant complètement stupide qui ne combattait pour se tuer, mais simplement un peu d'intérêt. Elle était dotée d'une joie de vivre très intéressante. Il la suivit du regard alors qu'elle interpella d'un aboiement l'employé qui avait en vain tenté de l'attraper, et elle s'éloigna en trottinant, la gueule joyeuse, tel un chiot qui se dégourdissait les pattes, heureux de tout apprendre de la vie. Avait-il été ainsi, un instant dans sa vie ? Il était jeune, il n'avait que deux fois les quatre saisons, bientôt le printemps reviendrait, bientôt il aurait une année de plus, mais trois ans, ce n'était rien. Rien du tout. Encore du temps, il lui restait encore des centaines et des centaines de jours à vivre. Cette idée lui amena le tournis.

  Pierre éclata de rire, et suivit la terrier, en discutant avec son collègue, qui sembla résigné à suivre celle qui lui avait échappé sans laisse. Une discussion s'engagea entre les deux hommes, et le confié lâcha un grognement agacé. Ne pouvaient-ils pas arrêter de parler ? La tête rectangulaire de la chienne se rapprochait, et elle reprit sa marche, à quelques pas de lui, qui tirait comme un forcené, une fois de plus, sans pousser le moindre râle qui exprimerait sa faiblesse. De temps à autre, la voix qu'il avait trouvée si réconfortante lui faisait tourner les oreilles, l'incitant à cesser son petit jeu, mais il n'en faisait qu'à sa tête.

   Il se taisait, se contentait de marcher, indifférent à la femelle qui était sans doute satisfaite de pouvoir se balader sans un bout de tissu qui la rendrait dépendante à un homme. L'espace d'un instant, Yago se demanda si elle avait déjà été malheureuse, comme lui. Oh, et en fin de compte, cela ne l'intéressait pas. Sûrement que non, elle ne paraissait pas brisée comme lui, aucune aura de méchanceté s'émanait autour d'elle. S'il avait connu une vie de famille, il aurait su du premier coup d'œil qu'elle devait être un compagnon à quatre pattes idéal pour les enfants, aussi bien que pour les plus vieux. Mais il ne savait pas ça.
Ca va rien changer. Ils vont profiter de toi pour aller traîner avec des chiens comme moi, juste pour nous montrer qu'on vaut pas la peine. Pour nous rabaisser, pour nous enfoncer., répondit-il d'une voix morne, chargée d'agressivité tout de même. Ces mots s'étaient alignés tous seuls, et il fut étonné de voir qu'il avait réussi à sortir trois phrases sans vouloir bouffer cette boule d'énergie. Seulement, s'il avait été seul, sans laisse, elle n'aurait pas fait long feu. Ses iris sombres la fixèrent froidement, pour lui montrer son désintérêt.
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Yago
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Yago
Dim 3 Mar 2019 - 20:16
Les humains, pas si bêtes que ça, comprirent tout de suite ce que voulait Eika, et ils la suivirent. Celui qui tenait le grand chien en laisse se mit même à rire. Il avait un rire franc, chaleureux, qui plut beaucoup à la petite chienne. Son instinct lui disait que c'était un homme bien, et qu'elle pouvait lui faire confiance. Elle n'aurait pas hésité, si le malinois ne l'avait pas mise en garde; mais elle aurait été stupide de ne pas l'écouter, n'est-ce pas? Les chiens qui vivent avec les hommes sont les mieux placés pour les juger, et cet humain qui avait l'air si gentil avait fait quelque chose d'assez mal pour être mordu.

Eika découvrait le tout nouvel endroit où elle avait atterri, sollicitant tous ses sens pour ne perdre aucune information; c'était un petit village, plus petit encore que l'endroit où elle vivait avec son maître. Mais tout sentait bon ici, peut-être parce qu'il n'y avait pas ces machines hideuses qui sentaient le brûlé et que les humains appelaient voitures. Tout en semblant parfaitement détendue en présence des deux humains qui accompagnaient leur promenade, elle tournait régulièrement la tête de façon presque imperceptible pour surveiller leur position: elle n'était pas certaine qu'ils ne profiteraient pas d'un instant d'inattention pour l'attraper et mettre fin à cet instant de découverte. Ensuite, difficile de dire dans quel genre d'endroit elle serait emmenée.

Elle était en train de renifler un poteau, qui lui indiquait que beaucoup d'autres chiens avaient l'habitude de passer par là, lorsque le malinois lui répondit d'un ton presque rancunier:
"Ca va rien changer. Ils vont profiter de toi pour aller traîner avec des chiens comme moi, juste pour nous montrer qu'on vaut pas la peine. Pour nous rabaisser, pour nous enfoncer."

Eika ne dissimula pas sa surprise: quelle drôle de réponse! c'était sans aucun doute le chien le plus étrange qu'elle ait jamais rencontré. Elle dressa les oreilles vers lui, penchant la tête comme si elle essayait de lire ses pensées. Elle revint à la même conclusion que quelques minutes plus tôt: le malinois était mécontent parce qu'il était attaché, c'était forcément le nœud du problème, ça n'avait aucun sens de forcer un chien à marcher aussi lentement qu'un humain.
Elle prit son temps pour lui répondre. Elle tourna d'abord autour de lui de son pas léger, observant le drôle d'attirail dans lequel il était empêtré. A la place du prisonnier, elle se serait roulée par terre, montrant son ventre à l'humain avec des yeux implorants, et elle aurait trottiné juste à côté de lui pour prouver qu'elle était très sage et n'avait pas besoin d'être retenue si près: peu d'humains résistaient à ce genre de stratégie. Ses yeux pétillèrent de malice: elle imaginait mal le grand chien se livrer à un tel cinéma, pourtant cela aurait fonctionné! mais elle risquait bien de se faire chasser si elle la proposait, il n'avait pas l'air d'avoir envie de rire, ce qu'elle pouvait comprendre vu la situation.
Le museau tendu, évitant de croiser le regard du malinois pour ne pas le provoquer, Eika examina de plus près le harnais. C'était la chose la plus compliquée qu'elle ait jamais vu pour attacher un chien.

En deux bonds, elle se mit à sa hauteur, pour marcher à côté de lui. Ce serait plus facile pour trouver une solution de réfléchir à deux, et puis elle ne voulait pas le rendre jaloux en profitant trop de la liberté qui lui était interdite.

" C'est quoi, les chiens comme toi? Tu veux dire les grands chiens? Je ne crois pas que tu vas pouvoir te libérer juste en tirant sur la corde, il faut trouver le bout par lequel les humains ont noué le sac dans lequel tu es."

Ce n'était pas vraiment un sac, mais Eika n'avait pas trouvé de meilleur adjectif pour décrire cette chose. Battant doucement de la queue pour prouver ses intentions amicales et son calme, elle décrit un nouvel arc de cercle devant le chien pour lui présenter son côté. S'il l'autorisait à s'approcher, elle pourrait chercher plus facilement comment le libérer.
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Eika
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Mer 6 Mar 2019 - 21:28
La chienne parut très surprise par sa réponse, mais il n'y fit pas attention, trop occupé à ruminer ses pensées. Qu'elle ne comprenne pas ce qu'il voulait dire, il n'y avait pas de problème, il s'en fichait. Elle était aussi bête que tous les autres, avec sa gentillesse louche, son pas entraînant. Elle osait, de plus, se pavaner, en liberté, devant lui, avec son air de simplette. Ses yeux sombres se cernèrent de blanc l'espace d'un instant. Mais elle se reprit, et s'approcha d'un pas bondissant, très joyeuse.

  Mais qu'elle le laisse à son désespoir, à la haine qui le rongeait de l'intérieur. Son cœur avait été bouffé, il ne vivait plus vraiment, juste gouverné par la rage. Ses pulsions n'étaient jamais de la joie, juste la folie qui l'habitait. S'il parlait, il ne voulait, pouvait, que dire des atrocités, s'amuser de la tristesse des autres. Ou plutôt de leur choc quand il lui aboyait dessus. Mais au fond de lui-même, de cet être, la douleur régnait. Il aurait voulu rire de futilités, de jouer à se battre gentiment avec ses amis. Mais le problème était qu'il n'avait que des ennemis, presque. Juste ce chien, ce fou qui combattait sans se dire bonjour.

  La chienne ne se gêna pas pour l'observer dans tous les sens, son regard intrigué posé sur ses épaules. Il se contint de la mordre, même s'il n'était pas plus dérangé que ça. Juste pour la forme. Parce qu'il n'était pas question de le fixer avec des yeux de merlan frit juste parce qu'il était incroyablement musclé et beau. Même si, il était légèrement fier, même qu'une idiote comme elle le dévisage de cette manière. Il ne sut pas vraiment ce qui se dégageait de ses iris sombres, mais elles paraissaient plutôt enthousiastes. D'une voix toute enjouée, elle reprit :
" C'est quoi, les chiens comme toi? Tu veux dire les grands chiens? Je ne crois pas que tu vas pouvoir te libérer juste en tirant sur la corde, il faut trouver le bout par lequel les humains ont noué le sac dans lequel tu es."

   Bon, plus elle lui parlait, mois il l'appréciait. Elle était réellement stupide, à voir le bien partout. L'optimisme, disaient les gens, ça ne servait à rien. Pourquoi voir la gamelle à moitié pleine, s'il ne restait que de mauvaises croquettes ? Le monde n'était que rythmé par des chutes libres, des désillusions. Et puis, un sac. Franchement, s'il n'avait pas été si intelligent, jamais il n'aurait compris qu'elle parlait de son harnais. Ce n'était qu'un bout de tissu, rouge pour sa part, doté d'un cliquetis et d'une laisse en cuir.

    La gueule joyeuse, elle remua la queue, et s'approcha encore un peu plus. Il se raidit instantanément, tentant d'oublier la joie que lui apportait cette odeur de sang frais, de souffle chaud. Son instinct prédateur de moquait de lui, de sa fragilité, à prendre trop au sérieux ses pulsions de malinois de combat. Il inspira doucement, et se décala. C'était une grande amélioration, tout de même, par rapport au début. Mais, il ne résisterait pas longtemps, et si elle pouvait un peu encore l'occuper, pour éviter que ses sombres pensées ne le hantent encore et encore, il profiterait d'elle. Morne, il secoua la tête vers elle, menaçant, et prit sombrement la parole :
"Tu t'approches d'un pas, t'es morte."

   Il laissa planer le silence, pour qu'elle comprenne bien le sens de ses paroles, et continua sur sa lancée :
Je parlais des chiens de combat. Pas les gentils toutous qui apportent les journaux à leur maître, tels des vulgaires robots. Tu fais partie de ça toi, des stupides cabots.
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Yago
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Yago
Jeu 7 Mar 2019 - 13:30
Alors qu'Eika s'approchait tout doucement du malinois, celui-ci se raidit et se décala pour l'éviter. Comprenant très bien le message, elle allait renoncer à entrer en contact, mais le malinois ne s'arrêta pas là. Il la fixa d'un air menaçant et lui dit avec une agressivité à peine contenue:

"Tu t'approches d'un pas, t'es morte."

Ah.
Donc, il maîtrisait quand même les codes canins! la menace de mort n'était peut-être pas nécessaire, mais au moins il n'avait pas attendu qu'elle soit proche pour lui sauter à la gorge. Eika commençait à bien aimer son nouveau compagnon, qui était pour le moins intriguant.
Elle s'arrêta net, comme si la menace du grand chien l'avait effrayée, et recula d'un pas. Les oreilles couchées, elle effectua un tour complet sur elle-même avant de bailler ostensiblement, et d'étirer ses pattes avant dans une espèce de révérence comique. C'était un signal d'apaisement que sa mère lui avait appris quand elle était toute petite, mais elle n'avait jamais su l'exécuter avec beaucoup de sérieux. Sa méthode n'était pas si mauvaise, cela dit, en général les autres chiens étaient au moins intrigués, et cela calmait l'agressivité.
D'ailleurs, en y pensant, c'était bizarre qu'il refuse le contact: elle avait été très polie, et toutes les conditions étaient réunies pour une bonne entente: c'était un mâle et elle une femelle, il devait faire deux fois sa taille et quatre fois son poids, et il était trop jeune pour craindre son énergie. Aucune compétition n'aurait été possible entre les deux. Peut-être n'aimait-il simplement pas le contact.

Devant l'impossibilité de s'approcher du grand chien, Eika dut se rendre à l'évidence: il serait compliqué de le libérer de ses entraves, au moins pour l'instant. Soit il ne voulait pas se libérer, même si on aurait dit le contraire, soit il préférait rester attaché plutôt que la fréquenter.

Je parlais des chiens de combat. Pas les gentils toutous qui apportent les journaux à leur maître, tels des vulgaires robots. Tu fais partie de ça toi, des stupides cabots.

La voix sombre du chien la sortit de ses pensées. De quoi parlait-il, déjà? Ah oui, des chiens comme lui. Elle n'avait jamais entendu parler de chiens de combat, elle supposa que c'était un peu comme un chien de garde. C'était à peu près logique: il était grand, visiblement très fort, sérieux et peu amical. Mais s'il encadrait de la même façon tous ceux qui s'approchaient de lui, son maître ne devait pas recevoir beaucoup de visites!
Elle lui jeta un regard indéchiffrable, et bien qu'elle n'aime pas contredire les autres chiens, cette fois celui-là disait vraiment une énormité, elle n'avait pas le choix.

" Oui, j'apporte le journal à mon maître, et les autres choses qu'il me demande. Mais toi, si ton maître t'avait demandé de lui apporter le journal, tu aurais refusé? Tu n'acceptes que d'être un chien de combat? " 

Aucun des chiens qu'elle connaissait ne pensait autrement; surtout les chiens à oreilles pointues comme le malinois, qui étaient des amoureux inconditionnels de leurs maîtres, et littéralement prêts à tout pour eux.
Elle savait très bien rapporter: son maître lui donnait un petit paquet, qu'elle devait emmener jusqu'au magasin qu'il lui indiquait, et l'humain du magasin prenait le paquet pour l'échanger avec un autre: parfois c'était le journal, parfois de la nourriture, et même de la viande. Eika était alors très fière, concentrée sur sa mission, et ignorait superbement toutes les distractions jusqu'à avoir mené sa tâche à bien. Le maître savait toujours la remercier, parfois il lui donnait un morceau de ce qu'elle avait ramené, parfois elle avait droit à des caresses.
Ces pensées rendirent la chienne inexplicablement triste; elle était très inquiète pour son maître. La mine un peu triste, les oreilles basses, elle continua néanmoins de marcher près de ses nouvelles connaissances, mais avec un peu moins d'entrain.
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Eika
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Sam 9 Mar 2019 - 13:02
La petite chienne, enfin petite par rapport à lui, comprit instantanément la menace et recula, d'un air légèrement plus peureux. Ses oreilles n'étaient plus levées en signe de joie, mais indiquaient désormais sa soumission. Chose qui surprit extrêmement Yago, elle fit mine de s'étirer et bailla, gardant une certaine distance de sécurité. Un mince sourire se dessinait sur les lèvres de la terrier, qui, finalement, ne prenait pas au sérieux sa remarque agressive. Il ne savait pas quoi penser de ce spectacle, et en déduisit qu'elle était totalement stupide, mais qu'elle ne se moquait pas vraiment. Il la fixa avec tout le mépris dont il était possible, et haussa les sourcils, avant de détourner le regard, cherchant quelque chose de plus intéressant qu'un chien faisant le clown pour le faire rire. Il n'avait pas le moral, et ne savait pas rire. Alors, c'était juste une mission impossible.
" Oui, j'apporte le journal à mon maître, et les autres choses qu'il me demande. Mais toi, si ton maître t'avait demandé de lui apporter le journal, tu aurais refusé? Tu n'acceptes que d'être un chien de combat? "

    Cette question souleva une très grosse interrogation au confié. Il se mit à imaginer la demande de son maître, inconnu en ces lieux, et n'arriva pas à l'imaginer lisant tranquillement un livre. S'il avait eu un bouquin sous la main, il l'aurait sans doute frappé avec, pour l'endurcir de tous les coups, le blesser pour mieux se relever. Mais aurait-il tout de même obéi, si pour une raison x ou y, il lui aurait demandé ? Non, il ne se serait pas rabaissé à être comme cette stupide bête qui continuait d'avancer à ses côtés, l'air plus songeur, triste peut-être.

    Pensait-elle qu'il allait la réconforter ? Il ne savait pas pourquoi elle était triste, et c'était sans doute parce que son panier lui manquait. Pour des futilités. Les cabots du chenil, eux, n'arrêtaient pas de débattre sur les bienfaits de la vie de chien de compagnie, et dans ces moments-là, il voulait littéralement les bouffer. Lui n'avait pas connu cette joie, n'avait pas su lécher le visage d'un bambin, ni accompagné le père de la maisonnée courir fidèlement, et protégé la maison en cas de danger. Lui, il n'était qu'un atout, un robot qui devait attaquer ou se défendre, au péril de sa vie, pour faire gagner de l'argent à son patron.
Non ! Je suis né pour lui obéir, pour me battre, j'ai ça dans le sang. Je n'ai connu que lui, il a su m'éduquer. Et quand bien même, ils ont des jambes. Des machines polluantes, les moyens pour se déplacer d'eux-mêmes !

   La colère commença à faire de l'effet sur son corps, incapable de se contenir. Le sang battait violemment dans ses veines, son cœur tentait de se libérer de son emprise, ses griffes martelaient le sol au fur et à mesure qu'il marchait. Ses crocs se dévoilèrent alors que ses babines se retroussaient, et que la violence dans son regard reprenait le dessus. Elle avait convoqué la terreur, cette ignoble clébard, il voulait la faire taire, elle et ses questions, qui le faisaient douter. Avait-donc il était suffisamment à la hauteur ? Non, son maître ne lui avait donné que ce qu'il méritait. Il aurait dû se battre plus durement, perdre la vie, peut-être, tant que la joie luisait dans les yeux de celui pour qui il aurait tout donné. Tant que sa main rêche et dure lui caressait le sommet de la tête. Dans un violent tournement de tête, il s'approcha de la terrier, son visage à quelques centimètres du sien, et siffla :
"T'en fais exprès ? Ca t'amuse de faire ça ?"
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Lun 11 Mar 2019 - 18:57
Eika observa plus qu'elle n'écouta le malinois: toute sa physionomie était en train de se transformer à vue d’œil, et lui qui avait déjà l'air peu avenant semblait doubler de volume sous l'effet de la colère. Son œil était noir, ses griffes et ses crocs sortis, comme s'il avait été face à un adversaire redoutable. Avec cet aspect, le malinois était devenu réellement terrifiant en quelques secondes.
Le contraste avec l'adversaire qu'il entendait effrayer était d'autant plus marquant que le chien était impressionnant: Eika restait la même petite chienne de même pas 40 cm au garrot, elle aurait été tuée en quelques secondes s'il avait décidé de l'attaquer.
Lorsqu'il approcha sa gueule furieuse de la petite chienne, celle-ci fut obligée de sortir d'un coup de sa mélancolie devant la menace. Il l'avait approchée de beaucoup trop près, et d'un façon plus agressive que ce qu'elle tolérait, elle qui était une femelle entière et bien éduquée. De plus, même si elle n'aurait eu aucune chance en combat, elle restait un chien, et avec des gênes de terrier: ses semblables tuaient des sangliers!
En une fraction de seconde, elle bondit sur le côté de la gueule du malinois, sans le toucher, et émit à son tour un grognement sec, mais pas agressif. Ce grognement voulait simplement dire " respecte-moi!" elle ne le formula pas, cependant, estimant le chien assez intelligent pour comprendre que si elle ne devait pas l'approcher, lui non plus, et encore moins de cette façon.
La petite chienne reprit très rapidement la distance à laquelle elle se trouvait avant que le malinois ne l'agresse: inutile de le provoquer. C'est seulement quand elle eut repris cette distance plus confortable qu'elle réfléchit au comportement du grand: il y avait visiblement un problème avec son maître, sinon en parler ne l'aurait pas rendu si méchant. Cela confirmait ses craintes, elle était bien dans un endroit pour les chiens sans maître. Ou peut-être que c'était un endroit pour attendre les maîtres qui allaient revenir, comme le sien? Cela faisait toute la différence, et il fallait qu'elle en ait le cœur net. Pas facile, vu comme le malinois avait l'air d'aimer les questions.
Elle prit le temps de s'éloigner pour qu'il se détende, partit renifler les plantes, les poteaux, et tous les indicateurs de vie qu'elle pouvait trouver sur son chemin. Elle alla même jusqu'à effleurer les jambes des humains qui les accompagnaient dans un simulacre de caresse, pour les remercier de ne plus essayer de l'attraper. Dans le doute, elle s'éloigna quand même beaucoup plus rapidement de celui qu'elle avait fait tourner en bourrique; certains humains étaient rancuniers, et elle aurait un peu mérité de se faire attraper et porter comme une poupée de chiffon jusqu'à sa cage de voyage. En revanche, elle s'attarda un peu sur celui qui tenait le grand chien, elle prit le temps de renifler ses chaussures et le bas de son pantalon, le surveillant du coin de l’œil, l'air de rien, pour vérifier qu'il n'allait rien tenter.

Elle revint ensuite vers le mâle tranquillement pour en savoir plus, comme les humains ne savaient pas vraiment parler, pas le choix... Elle opta pour une méthode plus fine.

" Moi je suis née pour accompagner mon maître. Il ne me demande pas de me battre mais il faut savoir faire plein de choses quand même! et il n'utilise pas de machine polluante, heureusement. Tu te bats avec ton maître? Vous combattez qui?"

Elle commençait à comprendre qu'il y avait une différence avec un chien de garde, les bons chiens de garde ne se battaient pas vraiment, ils étaient plutôt dissuasifs. Elle aurait aimé que son maître soit là avec elle, pour l'aider à comprendre ce chien pas comme les autres. Mais elle y arriverait seule, et il serait fier en la retrouvant!
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Lun 18 Mar 2019 - 21:33
Les tentatives d'apaisement du duo qu'il traînait derrière lui n'eurent aucun effet sur le malinois, qui fixait sa proie de la journée avec rage. La voix de l'employé qu'il ne connaissait pas était hésitante, comme s'il croyait qu'il allait se retourner pour le bouffer, tandis que celle de Pierre, était, malgré son ton calme, teintée de lassitude. Et ça ne fit qu'atténuer sa colère. Oui, c'est vrai, il avait une vie affreuse, ce bipède, il était tourmenté entre le passé et le présent, il ne savait plus où était sa place ! Bien sûr que non ! Rien qu'à voir ses joues rosies par l'amour quand sa chère femme venait le voir dans une séance d'entraînement, la fierté qui luisait dans ses yeux quand Nirvana lui obéissait devant tout le monde. C'en était à vomir. Son existence était paisible à lui. La seule chose qui ne devait pas aller en ce moment, dans sa vie, c'était bien le bandage dans sa main. Et Yago seul était responsable de cette douleur.

  Dans son accès de violence, il n'avait presque pas pris attention à la chienne, qui s'était elle aussi transformée, bien que plus calmement. Une lueur farouche brillait dans ses prunelles de jais, qui étaient fixées sur lui. Elle émit un grognement presque indistinct, puis s'éloigna. Il n'eut pas même besoin de l'écraser contre le sol poussiéreux qu'elle s'était déjà rendue compte de cette erreur qui aurait pu lui être fatale. Oh, il aurait adoré qu'elle s'étouffe, qu'elle prenne un bon coup d'asphalte dans les truffes, alors qu'il l'aurait plaqué violemment, que ses crocs auraient effleuré sa gorge si fragile et délicate. Mais elle était déjà trop loin, et ce bout de cuir qui le retenait l'empêchait de la rejoindre promptement.

   L'œil revanchard, il suivit ses mouvements, alors qu'elle s'en allait renifler les lampadaires, et, folle téméraire qu'elle était, elle prit la peine de s'approcher des bipèdes, qui se remirent à discuter, heureux de ce changement soudain de situation. Le mot "Eika" revenait régulièrement, et s'il avait un peu plus dressé son oreille arrachée, il aurait compris que c'était le nom de cette fidèle clébarde. Elle revint d'ailleurs un peu trop rapidement à la charge, alors qu'ils prirent la route du camping. Il se situait encore malheureusement trop loin, et la discussion ne pourrait être évitée. Alors que leurs griffes cliquetaient contre la route pleine de trous, elle reprit de plus belle, ne savant donc pas être discrète :
" Moi je suis née pour accompagner mon maître. Il ne me demande pas de me battre mais il faut savoir faire plein de choses quand même! et il n'utilise pas de machine polluante, heureusement. Tu te bats avec ton maître? Vous combattez qui?"

   Le confié lui lança un regard meurtrier, puis consentit à hocher la tête, bien que ce geste ne signifie absolument rien. Le désespoir de devoir parler avec cette créature qui ne comprenait strictement rien à la vie le désolait plus qu'autre chose. La colère avait laissé place à une étrange lassitude, qui ne convenait guère à son caractère. La femelle lui avait sapé toute sa rage de vaincre, tant par ses questions sans queue ni tête que par sa joie de vivre à presque toute épreuve. D'un ton froid et légèrement moqueur, il s'exclama :
Oh, ma pauvre petite. Quelle vie compliquée tu as … Je devrais te plaindre peut-être. Mais ce n'est pas le cas, dit-il en martelant les derniers mots.

   Il attendit quelques instants, le temps de chercher ses mots, puis expliqua, sans une once de patience dans la voix. Il avait juste l'impression de répéter un discours qu'il avait tant de fois récité qu'il n'en comprenait même plus le sens.
Dans une pièce. J'suis seul avec un autre chien, et on s'entretue jusqu'à ce que l'un de nous deux meure. Et quand tu survis, tu as des plaies partout, mais tu ne t'arrêtes jamais, tu t'entraînes sans cesse. Jusqu'à être le perdant. Alors oui, chercher le journal, c'est vraiment très très important dans une vie.
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Mar 19 Mar 2019 - 22:36
Eika s'était rapprochée du mâle pour lui parler, mais elle avait une oreille tendue pour écouter les humains parler; elle était sûre qu'ils avaient dit son nom, et c'était bon signe. S'ils savaient qui elle était, ils pourraient prévenir son maître, pour qu'il vienne la chercher. Elle poussa un petit soupir de contentement et de soulagement à cette idée.


Le grand chien, qui était passé de la rage à la morosité pendant qu'Eika s'était éloignée, et la considérait maintenant comme si elle était complètement stupide, lui répondit sur un ton narquois:
"Oh, ma pauvre petite. Quelle vie compliquée tu as … Je devrais te plaindre peut-être. Mais ce n'est pas le cas, "

Eika se dit qu'en effet, elle était peut-être stupide, parce qu'elle ne voyait pas du tout pourquoi il aurait fallu la plaindre! elle avait le meilleur de tous les maîtres, il lui faisait confiance et respectait sa nature de chien. Quand il lui confiait un travail, elle l'exécutait avec fierté et application.
Elle jeta un coup d’œil circonspect à celui qui considérait soit qu'être un chien comme les autres était rabaissant et ridicule, soit que c'était un sort qui méritait d'être plaint. Ou alors il était jaloux? Lui qui était si grand, d'une race intelligente, et qui avait un humain pour le promener, qui veillait sur lui et l'encourageait sans que le malinois ne daigne le regarder? Même si ce n'était pas son maître, il y avait pire comme sort...

Eika vit que le malinois tournait le regard vers un point qu'elle ne pouvait voir; sûrement leur destination. Contente de savoir enfin où ils allaient, elle accéléra un peu, remuant la queue, pour ouvrir la marche, ce qu'elle adorait faire. S'il y avait une découverte à faire, c'était la meilleure façon d'être la première à la savoir, et si un danger se présentait, elle avertirait sa troupe composée d'humains, qui ne sentent jamais rien, et d'un chien entravé qui n'aurait pas beaucoup pu bouger même s'il l'avait voulu.

Cependant, le grand chien s'était décidé à lui expliquer son travail avec son maître:

"Dans une pièce. J'suis seul avec un autre chien, et on s'entretue jusqu'à ce que l'un de nous deux meure. Et quand tu survis, tu as des plaies partout, mais tu ne t'arrêtes jamais, tu t'entraînes sans cesse. Jusqu'à être le perdant. Alors oui, chercher le journal, c'est vraiment très très important dans une vie."

La petite chienne essaya d'imaginer la scène, mais heureusement pour elle, son maître ne l'avait jamais confrontée à quelque chose de semblable. Elle avait vu des chiens mordus, mais les bagarres étaient très rares, et elle-même ne s'était jamais battue. Son seul souvenir dans le genre était un pitbull, plein de cicatrices et aux oreilles coupées, que son maître tenait en laisse et muselé; ce chien-là ne parlait pas du tout, mais l'avait fixée avec un regard de mort à faire froid dans le dos. Il était beaucoup plus âgé que le malinois, qui était beaucoup moins agressif, moins fou.
Elle ne comprenait pas l'intérêt de ces combats qu'il lui décrivait, et penchait la tête tout en l'écoutant, pour se concentrer. Pourquoi un humain voudrait-il que son chien se batte jusqu'à mourir?

Quand il se remit à lui parler du journal, elle eut une idée: décidément, c'était une obsession chez ce chien, le journal! tout en continuant de marcher, et sans le regarder, pour qu'il ne voie pas ses yeux pétillants de malice, elle lui répondit, l'air de rien:

" Pourquoi me plaindre pour savoir ramener le journal, ou quoi que veuillent les maîtres? C'est un travail compliqué, ce n'est pas un chien de combat comme toi qui saurait faire ça. Et puis, l'avantage par rapport aux combats, c'est qu'on n'en meurt pas."

Vu le tempérament du malinois, elle espérait bien provoquer une réaction. Faute de pouvoir lui expliquer la fierté qu'on pouvait ressentir en voyant celle qui luisait dans les yeux de son maître, le bonheur d'une caresse méritée entre les oreilles, d'un "merci" chuchoté, et le plaisir d'avoir une part méritée du butin rapporté, c'était ce qu'elle pouvait faire de mieux pour lui faire comprendre.
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Dim 24 Mar 2019 - 20:13
La chienne ne parut pas terrifiée par ses propos. Il en connaissait qui seraient partis en courant, la queue entre les pattes, cherchant le réconfort de leurs maîtres. Ou bien d'autres qui étaient restés bloqués, tétanisés, sans pouvoir bouger, pour prendre la border collie stupide en exemple. Tous des flippettes, qui ne savaient pas se battre. Et après on disait que les hommes n'apportaient que du bienfait ? Où étaient passés les instincts des chiens sauvages, des ancêtres des loups ? Savoir chasser, se faire respecter ou se faire piquer sa meute avec des combats ? Désormais, on ne savait que geindre pour manger, apporter une laisse pour aller se balader, ou se rouler dans la boue pour demander un bain et être propre ! Il fut révolté par le changement qu'avait instauré les bipèdes à leur race, autrefois crainte. Oh, ils n'avaient rien perdu de leur superbe, les malinois, mais dire qu'on voulait les prendre pour chiens de compagnie !

  Cette idée amena un carnassier sourire sur son visage, qui, au lieu de l'embellir, l'amocha. Il en était plus encore violent, dangereux, instable. Et elle, dans son état naturel, était heureuse. S'il fallait choisir entre les deux, malgré qu'il était plus beau qu'elle, selon son avis, elle aurait été immédiatement élue. Pourquoi prendre un chien avec des réactions dépassant les limites du raisonnable, un chien qui risque de tuer sans qu'on sache pourquoi ? La chienne se détourna, et il ne put plus voir son visage joyeux.
" Pourquoi me plaindre pour savoir ramener le journal, ou quoi que veuillent les maîtres? C'est un travail compliqué, ce n'est pas un chien de combat comme toi qui saurait faire ça. Et puis, l'avantage par rapport aux combats, c'est qu'on n'en meurt pas."

   Son estomac fit un bond. Sans le savoir, elle venait de remettre en cause les raisons de ses combats ? Si elle croyait que cela lui faisait plaisir d'en tuer d'autres juste pour la fierté de son maître de posséder une bête pareille, elle se plantait royalement ! C'était simplement pour faire taire définitivement des abrutis comme elle, qui croyaient que tout était donné dans la vie, que tout n'était qu'une source indéfinie de bonheur !

    Dès sa plus tendre enfance, il était tombé dans un trou, il était désespéré sachant bien que rien ne pourra le faire revenir en arrière, que le sang qui avait coulé sur ses crocs ne pourra jamais ressusciter son innocence de chiot ! Il était condamné à errer, telle une âme en peine, dans un monde qui ne voulait plus de lui. On ne lui faisait pas confiance, les regards outragés des autres l'effleuraient à peine, rebondissaient sur la drôle de carapace qu'il s'était forgée au fur et à mesure. Parce qu'il avait compris que s'ouvrir aux autres était d'une inutilité déconcertante, parce qu'il savait qu'on voudrait lui rendre pareille, mais que sa torture serait mentale et bien plus longue qu'un simple combat. Qu'un corps à corps, qui, comme elle le savait si bien, elle qui semblait tout connaître de la vie, finissait forcément par une silhouette raide, avachie sur le sol dur, dans une flaque de sang.

  Et elle osait une fois de plus le défier, mettre à rude épreuve ses nerfs, qui ne tiendraient plus longtemps. Moins longtemps que la laisse, qui lui semblait si courte. Il ne saurait la tuer, là, avec un Pierre qui s'accrochait à ce bout de cuir comme à sa vie. Puisqu'il avait compris que Yago se transformait pour la deuxième, non, troisième fois de la journée, en un monstre dangereux. Il ne comprenait pas qu'elle attendait de lui une remise en question, tout dans la joie et la bonne humeur. Non, il ne comprenait pas, il voulait juste qu'elle la ferme, une bonne fois pour toutes. Mais le camping était trop loin, et il devait la supporter un moment encore.
Vous vous croyez toujours supérieurs, vous ! Juste parce que vous avez une famille ! Et figure-toi que j'aurai bien voulu être mort, mais j'étais le meilleur. Le plus rapide, le plus agile, le plus dangereux. Cette existence, tu veux savoir, j'en peux plus, j'en suis fatigué de vivre. Alors, tes réflexions, tu te les gardes. Merci.

   La haine ressortait dans sa voix chargée d'agressivité. Il lui lança un regard furibond, bien que sincère. Oui, au fond, La Faucheuse n'attendait que lui pour resserrer les rangs avec une âme épuisée.
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Mar 26 Mar 2019 - 18:55
La petite chienne trottinait joyeusement à la tête du groupe, toute légère, attendant avec impatience la réaction du malinois. Elle espérait bien s'amuser!

"Vous vous croyez toujours supérieurs, vous ! Juste parce que vous avez une famille ! Et figure-toi que j'aurai bien voulu être mort, mais j'étais le meilleur. Le plus rapide, le plus agile, le plus dangereux. Cette existence, tu veux savoir, j'en peux plus, j'en suis fatigué de vivre. Alors, tes réflexions, tu te les gardes. Merci."

Eika ne s'attendait absolument pas à cette réponse, qui lui fit l'effet d'un coup de massue. Elle se sentit complètement idiote et s'en voulut: depuis qu'elle avait parlé à ce grand chien, elle avait senti sa colère, son agressivité, un peu d'ennui, de la frustration, mais elle n'avait pas compris qu'il était en fait malheureux! et elle n'avait rien fait pour l'aider.
Son premier instinct fut de se tourner vers lui pour lui lécher la truffe, l'un des meilleurs remèdes contre la tristesse: heureusement, elle se souvint à temps qu'il ne voulait pas être approché. Elle se contenta donc d'un début de demi-tour bizarre qu'elle rattrapa au dernier moment en bifurquant vers un buisson.

Tout en reniflant les branches, elle réfléchissait. Que faire? Son compagnon de promenade était un chien de combat, à en croire ce qu'il disait le meilleur même, mais il n'aimait pas ça. Son maître l'avait visiblement laissé tomber, puisqu'il avait dit ne plus avoir de famille. L'équation semblait très simple: il devait arrêter de se battre et trouver une famille! bon, ce ne serait pas très facile s'il continuait d'être aussi bougon. Il faudrait lui trouver un humain bougon. Ou, peut-être, au contraire, un humain si gentil que le malinois en oublierait la méchanceté qu'il avait apprise en se battant. Et elle en connaissait un: son maître! quand il reviendrait la chercher, elle lui proposerait d'emmener le grand chien. Il aimerait sûrement le village tranquille, les promenades le long de la plage ou en forêt, les virées en mer et les soirées au coin du feu.
Eika, toute fière de son idée géniale, en oublia presque une odeur pourtant très intéressante qui lui parvenait.
Elle freina des quatre fers en la repérant, tendit le museau pour vérifier l'information, puis toute excitée, se tourna vers le malinois:

"Tu aimes chasser?"

Elle n'attendit pas la réponse; tous les chiens aiment chasser! elle-même adorait ça, même si ses tentatives pour attraper des poissons ou des oiseaux était systématiquement des échecs, et que son maître ne semblait pas très rassuré quand elle tentait de rentrer dans les terriers des lapins ou des renards. Elle fit un large tour pour contourner le bosquet qui l'intéressait, puis s'en approcha tout doucement, en rampant presque, le museau tendu et retenant sa respiration. Son approche était un peu maladroite: elle imitait celle de l'épagneule qui lui avait appris ce jeu, mais avait toujours moins de succès. Elle avança prudemment jusqu'au buisson, et par miracle, elle ne fit pas s'envoler ses proies, deux merles d'une assez belle taille qui s'étaient réfugiés là. Lorsqu'elle fut assez près d'eux, plutôt que de tenter de les attraper, elle se jeta littéralement dans le buisson en aboyant.
Paniqués, les deux oiseaux tentèrent de s'enfuirent comme ils pouvaient, et atterrirent sur le groupe de promeneurs.

Fière d'elle, toujours empêtrée dans le buisson, Eika dressa la tête pour voir ce qu'il se passait et encourager le grand chien. S'il était rapide, il en attraperait peut-être un!
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Sam 6 Avr 2019 - 12:50
La chienne parut vouloir se rapprocher, puis changea de direction quand elle aperçut son dur regard. Enfin, enfin il l'avait réduite au silence ! Elle avait dû comprendre que ses tentatives d'apaisement, de remise en questions n'avaient aucun effet sur lui. Il ne pouvait pas changer, c'était trop tard. Il avait tenté, tenté de devenir quelqu'un, mais la haine contre lui-même l'avait forcée à redevenir ce monstre qu'il avait toujours été. Pourquoi avait-il mordu Pierre ? C'était pour sa propre punition. Il en arrivait à faire souffrir ceux qu'il avait appris à connaître pour se faire mal. Jour après jour, il voyait qu'il ne devenait rien du tout, à part un ancien chien de combat éloigné des autres, que personne n'approchait. A part ce fou, qui faisait de l'agility avec lui. C'était tout, et rien que ça. Il ne devait que se satisfaire de ça. Puisqu'il ne pouvait pas plus. La faute à qui ? A lui.

  Le dangereux chien se transforma en minuscule chiot. Il gardait la tête baissée, et levait à peine les pattes quand il marchait. Ses coussinets frottaient durement le bitume, et le bipède l'emmena sur de la terre molle. Il ne s'y opposa pas. Et quand la terrier ressurgit d'un buisson, elle semblait avoir récupérée toute la bonne humeur qu'il lui avait fait perdre :
"Tu aimes chasser?"

   Il fronça les sourcils, et ne put lui répliquer qu'il aimait juste se faire mourir à petit feu, puisqu'elle s'élança dans un autre buisson. Légèrement surpris, il releva un peu la tête, et distingua sa silhouette s'avancer frénétiquement dans la verdure. Elle se mit à aboyer des propos incompréhensibles, qui attirèrent l'attention des deux hommes. Pierre resserra doucement la main sur la laisse, et la tendit. Yago fut blessé par cette non-confiance, ayant totalement oublié qu'il lui avait littéralement sauté dessus le matin-même et que la chienne avait failli être terrassée à cause de ses stupides réflexions.

   Deux oiseaux noirs se précipitaient sans aucune élégance sur eux, piaillant le bec ouvert. Leurs yeux effrayés ressortaient sur leur pelage, et il aperçut le blanc de leur rétine. L'un d'eux battit les ailes, et esquissa un début d'envolée. C'en était trop pour Yago. Même si ses anciens adversaires n'étaient pas des piafs comme ceux-là, ils possédaient aussi du sang. Puissamment, il bondit sur la pauvre bête, arrachant presque des mains le bout de cuir. Le propriétaire du camping ne put retenir un gémissement de douleur, et pesta doucement.

  Il n'en avait que faire. Seul l'oiseau comptait. Ses pattes attrapèrent l'animal, qui s'écroula sur le sol, formant un nuage de poussière. Des plumes ébènes s'éparpillèrent par terre, alors qu'il agonisait. Il n'était pas encore mort. Mais cela ne faisait absolument aucune différence. Sans faire attention à la petite femelle, il déchiqueta le merle qui poussa un dernier soupir. Il ne ressemblait plus à rien, et déjà des mouches se précipitaient pour se poser sur ses yeux morts. Réprimant un soudain dégoût, il jeta un regard amusé à la chienne :
Tu as faim ? C'est cadeau. Mais mange-le, hein, j'en veux pas. Et ne me dis pas que tu as voulu le tuer pour le plaisir. Bouffe-le.

   Sa voix s'était durcie, pour se transformer en un ton glacial. Il posa un regard froid sur elle, ne pensant même plus à l'oiseau mort qui gisait à ses pattes.
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Lun 8 Avr 2019 - 19:26
Toujours coincée dans son buisson, Eika tendait la tête le plus haut possible pour voir si le grand chien réussirait à attraper un oiseau: et il réussit! il sembla sauter sans effort, avec une vitesse inattendue. La petite chienne fut très impressionnée par sa vivacité et par le mouvement en général, la seule chose qui l'avait un peu gâché, c'était le bruit sec de la laisse qui claquait et l'humain qui avait l'air de s'être fait mal.
Absolument ravie, elle s'écria:

" Bravo!! tu es drôlement rapide!!"

Puis elle tenta de sortir du piège de verdure dans lequel elle s'était fourrée. Comme elle ne parvenait pas à sortir plus que sa tête, les branches formant des nœuds au-dessus d'elle, elle s’aplatit au sol et se fraya tant bien que mal un chemin sous le buisson. Une fois sortie, elle s'ébroua rapidement pour se débarrasser des branches et des feuilles coincées dans ses poils, et s'approcha en trottinant du pauvre corps. Elle était vraiment très fière de leur réussite: la plupart du temps, le jeu échouait, et pour sa part, elle n'avait jamais tué un oiseau qui volait. Seule l'épagneule qui jouait avec elle y parvenait quelques fois.
Alors qu'elle ralentissait le pas pour venir sentir le cadavre sans surprendre le malinois, celui-ci la regarda d'un drôle d'air:

"Tu as faim ? C'est cadeau. Mais mange-le, hein, j'en veux pas. Et ne me dis pas que tu as voulu le tuer pour le plaisir. Bouffe-le."

Il avait eu un regard amusé au début de sa phrase, et semblait s'être renfrogné lorsqu'il se tut. Il la toisait comme s'il attendait quelque chose d'elle, mais Eika n'avait aucune idée de quoi. Elle n'en revenait pas, d'ailleurs: c'est lui qui l'avait attrapé et il lui en faisait cadeau? C'était le chien le plus gentil qu'elle ait jamais rencontré, finalement!!
Elle se dépêcha de rejoindre l'oiseau gisant, avant que son compagnon ne change d'avis. Elle huma doucement l'odeur de sang, chassant les mouches qui avaient elles aussi été attirées. Elle regretta seulement que le grand chien l'ait autant abîmé. Ouvrant le plus grand possible la gueule, elle attrapa sans plus de façons le petit être: elle s'imaginait déjà parader fièrement avec ce trophée. Quelle entrée elle allait faire dans le chenil! tous les autres chiens seraient jaloux, et penseraient qu'elle était une chasseuse hors pair! mais elle ne le partagerait pas; elle se faisait déjà une joie de sentir l'animal, de le retourner, d'aller le cacher quelque part où elle seule pourrait en profiter. Dommage que son maître ne soit pas là, par contre. Elle aurait adoré lui ramener ce superbe trophée, pour qu'il sache quel exploit digne d'être gardé en mémoire de chien elle et le malinois avaient accompli.

Alors qu'elle commençait à s'éloigner pour être sûre que personne ne vienne lui reprendre son trésor, la pensée de son maître ramena Eika à la réalité. Cet oiseau, ce n'était pas elle qui l'avait attrapé. Et puis, son maître, comme les autres humains, ne savait pas parler: il ne saurait jamais ce qu'elle avait fait et ne serait pas fier d'elle. En plus, de façon très bizarre, le malinois n'avait pas l'air d'être beaucoup plus heureux après cette victoire éclatante.
Eika se souvint alors de comment finissaient les jeux avec l'épagneule: lorsqu'elle attrapait un animal, elle s'en saisissait très délicatement après l'avoir tué, puis courait emmener son précieux trésor à sa maîtresse. L'humaine la félicitait, puis lui prenait la proie qu'elle mettait dans un grand sac.

Au prix d'un effort qui lui sembla colossal, Eika fit ce qu'il fallait faire plutôt que ce qu'elle voulait faire: elle ramena l'oiseau à celui qui l'avait attrapé, et le posa doucement à ses pattes.

" Tu l'as attrapé. Tu devrais le donner à l'humain qui est avec toi, c'est ce que font les chiens qui chassent."

Comme elle se doutait qu'il aurait du mal à la croire, elle l'encouragea gentiment:

" Essaie, tu verras! je te promets qu'il sera content, et ça ne te coûte rien, puisque tu n'en veux pas."

Elle essayait d'ignorer l'odeur de l'oiseau, si tentante. Le plus important, c'était de rendre le grand chien un peu plus heureux, et il le serait forcément en faisant quelque chose de bien.
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Eika
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Eika
Sam 13 Avr 2019 - 13:39
L'odeur du sang commençait à faire son effet sur le malinois, qui essayait de ne pas loucher sur le précieux liquide écarlate. Les doux effluves étaient très appétissants, mais il ne voulait pas se réduire à être dépendant de ses pulsions. Non, il ne mangerait pas cet oiseau, qui était complètement déchiqueté. C'était avec détermination qu'il restait campé sur ses pattes. Sans cesse, il se répétait, que non, non, on, il ne le mangerait pas. Non, non, non. La petite chienne s'avança, sautillante de joie. Elle paraissait si heureuse de cette offrande, qu'il en fut étonné. Les amis canidés se faisaient-ils des cadeaux, de temps en temps ? Ou bien, dans ce langage qu'il ne connaissait, c'était un symbole de protection ? Cette idée fit bondir son cœur dans son corps. Il ne voulait pas qu'elle devienne une copine à lui, non, il ne voulait pas d'amis. Ca ne servait à rien les amis.

  Elle attrapa délicatement la proie, et s'éloigna rapidement, sûrement craignant un refus de sa part. Oh, c'était dur de voir le sang s'échapper de lui. Il retint un geignement de tristesse, et resta bien droit, le regard fier. Yago regrettait de ne pas s'être jeté sur le volatile, mais il ne le méritait pas. Il voulait juste être puni, et c'était une excellente solution pour se venger de lui-même. Puis, la fameuse Eika fit demi-tour, après un moment d'hésitation. Il fronça les sourcils, et soupira longuement. Elle ne pouvait donc jamais le laisser en paix, pour aller bouffer son foutu oiseau ?
" Tu l'as attrapé. Tu devrais le donner à l'humain qui est avec toi, c'est ce que font les chiens qui chassent."

  Encore une coutume dont il ne connaissait rien. Lui n'était né que pour se battre, et pas pour chasser des oiseaux. Et bien, il ne le ferait pas. Pas question de donner le merle à Pierre, alors qu'il n'était pas son maître. Jamais, il ne ferait ça. Il avait déjà un maître, qui était certes parti, mais il lui appartenait. Et il ne le trahirait pas. Ce serait un crime que d'aller voir un autre, alors que peut-être, son maître, le cherchait. Son vrai maître. Il secoua vainement la tête, alors qu'elle lui amenait l'oiseau, et le déposa promptement.
" Essaie, tu verras! je te promets qu'il sera content, et ça ne te coûte rien, puisque tu n'en veux pas."

  Mais elle était si têtue ! C'était terrible. Le confié recula d'un pas, et faillit se prendre dans les pattes du bipède. Qui eut le reflexe de se décaler, avant de chuter. L'autre homme se dégagea précipitamment, pour ne pas avoir affaire au fou furieux du chenil. Et dire qu'il avait autrefois aimé un humain. Maintenant, il les craignait. Mais il cachait cette peur sous de la colère, de la haine. Il flippait, quand ils s'approchaient trop près de lui, ils avaient cette démarche que son maître avait aussi, quand il allait le frapper. Il ne savait que les déstabiliser, avec ses grognements.
Je ne le donnerai qu'à mon maître. Or, Pierre n'est pas mon maître.

   Et, il reprit, une légère lueur d'incompréhension dans ses yeux sombres :
Pourquoi tu es gentille avec moi ? Tout le monde me hait.

hrp:
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Yago
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Yago
Lun 15 Avr 2019 - 19:14
Lorsqu'Eika posa l'oiseau près du malinois, celui-ci eut un mouvement de recul que les humains n'avaient pas anticipé. Ils trébuchèrent, et s'ensuivit un drôle de moment de trébuchements et de panique. Le terrier les observa, incrédule: les humains avaient quand même parfois des comportements complètement aberrants, et totalement incompréhensibles. Sûrement aussi parce qu'ils n'étaient pas très stables, ils ne marchaient que sur deux pattes.

"Je ne le donnerai qu'à mon maître. Or, Pierre n'est pas mon maître."

Elle ne fut pas très surprise par la réponse du malinois; en plus, son raisonnement se tenait. Il y avait des chiens très exclusifs, qui ne collaboraient qu'avec leur maître, et il en faisait visiblement partie. Cela ne servirait à rien de lui reprocher, ni de lui faire remarquer que visiblement, son maître l'avait oublié depuis très longtemps et ne reviendrait pas le chercher. Eika avait la certitude que le sien ne l'aurait jamais laissée plus de quelques jours dans cet endroit, même si ce n'était pas si mal, que les humains avaient l'air corrects et qu'elle s'était déjà fait des connaissances. Il serait là dans très peu de temps pour l'emmener avec elle.
L'humain qui tenait la laisse s'appelait donc Pierre. Eika s'efforça de noter le nom dans sa tête.

Elle avait reporté son attention sur le cadavre d'oiseau, profitant de la confusion chez les humains pour réfléchir à son sort, essayant de rester concentrée sur son objectif de rendre le grand chien heureux quand même. Bon, la meilleure chose à faire, c'était sûrement de le partager entre eux, ou sinon, elle pourrait le donner elle-même à Pierre, mais ce ne serait pas pareil. Alors qu'elle baissait la tête, le malinois la regarda directement; elle appréciait son regard franc, il n'avait pas peur que cela soit pris pour une provocation, mais ses yeux reflétaient toujours ce qu'il pensait. En l'occurrence, de l'incompréhension.

"Pourquoi tu es gentille avec moi ? Tout le monde me hait."

Eika, interloquée, ne sut pas trop quoi lui répondre; elle n'en avait aucune idée! parce qu'elle l'aimait bien, il était drôlement gentil lui aussi, même s'il ne fallait pas l'approcher. En plus, il était rapide, fort et honnête, et il voulait faire plaisir à son maître; il avait beaucoup plus de qualités que de défauts! Mais elle n'avait pas formulé toutes ces pensées, qui restaient pour elle dans le domaine du ressenti, sans qu'elle puisse les exprimer. Et puis, la haine, elle savait à peine ce que c'était; la plupart des humains et des chiens qu'elle avait rencontrés étaient bienveillants, neutres ou hostiles, c'était tout.
Elle répondit donc la seule chose qui lui vint à l'esprit:

"Ben, pas moi."

La petite chienne avait pris sa décision au sujet de l'oiseau. Baissant la tête vers lui, elle lança un grand coup de crocs dans la chair meurtrie pour la séparer en deux; une petite part pour elle, et une grande pour le malinois. Elle attrapa la sienne du bout des dents, se redressa, de nouveau joyeuse, et aboya en direction des humains maladroits comme elle pouvait, avec un bout d'aile coincé entre les dents, et le reste qui lui gonflait la joue. Il était plus que temps de repartir! elle voyait maintenant le point que le grand chien fixait quelques minutes plus tôt, leur destination à n'en pas douter.
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Eika
Lun 22 Avr 2019 - 20:03
La chienne eut un moment de flottement. Il se doutait bien que sa question l'avait étonnée, mais il soutint son regard franchement, attendant réellement une sincère réponse de sa part. Il la savait capable de ne pas mentir. Elle avait prouvé qu'elle n'était pas une hypocrite, et qu'elle disait toujours la vérité, ne cherchant pas à filtrer ses paroles. C'était une qualité qu'il appréciait chez elle, même si cela avait eu le don de la faire sortir de ses gonds, il fallait le dire. Elle avait voulu le connaître, le comprendre, et il n'avait pas apprécié, et pourtant. Et pourtant elle en savait beaucoup sur lui, bien plus que Nirvana, ou même le chien fou. Juste en observant ses réactions, parfois disproportionnées, il fallait le dire.
"Ben, pas moi."

  Le malinois cilla. Quelqu'un dans ce triste et haineux monde ne le détestait pas. S'il s'en était douté, grâce à la bonté naturelle de la terrier, mais l'entendre avec une telle sincérité dans la voix fit bondir son cœur. Oh, il n'irait pas lui donner un coup d'épaule par amitié, mais savoir qu'un chien, qui vivrait dans le camping, pouvait le supporter faisait plaisir. Oh, mais de toute façon, quand elle verrait son comportement avec les autres, elle ne l'appréciera plus du tout. C'était sûr. Il était réellement abandonné de tous, la poisse ne faisait que le suivre depuis le début. Jamais il n'avait eu d'ami, tout le monde était faux avec lui. Ils avaient juste peur de passer entre ses crocs, et préféraient la jouer hypocrites, pour l'avoir bien. Mais il n'était pas stupide, et leur petit jeu le brisait. Mais que pouvait-il faire ?

   Un bruit de craquement le sortit de ses sombres pensées. Ses prunelles ébènes se posèrent sur l'oiseau, qui n'était plus qu'un corps coupé en deux, en parts inégales. La chienne de chasse saisit la plus petite partie, et aboya avec difficulté en direction de Pierre et de l'employé flippé. Elle recommença à avancer, et le confié comprit que le bout de volatile resté à terre lui était destiné. Ce doux fumet que le sang l'appelait. Résistant à la tentation, il l'attrapa d'un coup, et le balança vulgairement plus loin. Le liquide écarlate si précieux lui coula dans la gorge, et il s'en contenta. Oh, il aurait tant aimé le dévorer, mais sa fierté l'en empêcha. Il n'allait pas faire tout un drame pour un oiseau, afin de ne pas le manger, pour se jeter au final dessus. Non, cela n'avait pas de sens.

   Il repartit à sa suite, vers le camping. Ils rentrèrent sans ajouter un mot, chacun plongé dans ses pensées. Yago fut déposé dans son boxe attribué, puis le brun lui offrit des croquettes, auxquelles il ne toucha pas avant qu'il ne parte. Jamais il ne mangeait quand on le regardait, et surtout moins quand un humain était à ses côtés. Cela le stressait, de ne pas pouvoir réagir assez vite, pour une bêtise quelconque qu'il aurait fait. Un souvenir d'une autre vie.
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Yago
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