" Dans chaque église il y a toujours quelque chose qui cloche. "

Une cloche qui sonne faux.

Aldeï errait toujours, queue et oreille basses, désespéré. Il avait perdu sa maîtresse. En y repensant il ne pouvait s'empêcher de lâcher un long gémissement.

Mais il avait progressé, n'est-ce pas ? Il avait quitté la forêt, et maintenant il était en ville. Cela voulait dire qu'il allait la retrouver, non ? Oh, s'il vous plaît, faites que cela veuille dire qu'il allait la retrouver. C'était le territoire des humains. Elle lui manquait tellement qu'il avait l'impression d'avoir un trou déchirant à la place du cœur. Ses mains, si douces, quand elle lui démêlait les poils, le brossait jusqu'à ce qu'il soit lustré, tandis qu'il somnolait tranquillement, massé par ses caresses. Sa voix, qui résonnait à ses oreilles comme un carillon de joie, ou son rire...

Elle lui manquait si horriblement.

Il parvint finalement à la place de l'église, devant le grand bâtiment religieux.
Le sable se figea. Il y avait un chien, là-bas, à l'autre bout du lieu. Il avait la fourrure couleur du loup, brun, fauve et blanc, un masque qui prenait toute sa tête mais laissait ses babines immaculées, et deux yeux sombres dont le croisé n'arrivait pas à distinguer la couleur à cette distance. Il y avait de la beauté dans son allure, une certaine chose primitive qui rappelait les forêts et les chasses dans les sous-bois.

Mais il ne laissa pas son inattention durer, et promena un regard nerveux aux alentours, se sentant aussi repérable qu'un fanion. Il prit conscience qu'un chien sans maître, parmi les humains, n'était sans doute pas autorisé. Et comment ferait-il pour retrouver sa Camille s'il était emprisonné ? Ils essayeraient de le donner à une autre famille. Il refusait cette option, de tout son cœur.

Il trotta nerveusement plus en avant, hésitant de la direction à prendre, le nez au sol, passant devant chacune des voies s'éloignant de la place. Une fois qu'il eut fait tout le tour, il reparti une nouvelle fois, désespéré. Il trouverait bien un indice de la nouvelle direction à prendre, même infime ! A la moitié, environ, il s'arrêta, envahi par l'inutilité de sa tâche. A quoi tout ceci pouvait bien servir ? Il ne la retrouverait jamais.

Il s'assit lourdement, broyant du noir, sans faire attention à sa position, arrêté tout près du chien étranger.

Une cloche qui sonne faux.

Aldeï sursauta brusquement, tiré de ses pensées moroses par l'appel de l'inconnu. Qu'est-ce qu'il faisait ? Le sablé inspecta à nouveau fiévreusement les environs, mais sa maîtresse n'était pas apparue comme par magie en quelques minutes.

Alors, aplatissant ses oreilles contre son crâne, il gémit pathétiquement :

"J'ai perdu ma maîtresse..."

Le bel étranger avait l'air si joyeux, surtout avec son maître, qu'Aldeï se sentait encore plus seul. Comment est-ce que ça avait pu arriver ? Ils étaient si bien ensemble. Comment avait-il pu la perdre ? Maudit soit son flair. Il aurait dû réussir à suivre la trace de sa voiture.