La princesse et Le gueux

C'était samedi après-midi. Julien ne travaillait pas. Et qui disait pas de travail, disait toute l'attention du monde porté sur le Tamaskan. Charon aimait beaucoup ces journées où son maître prenait le temps d'être avec lui. En vérité, c'était ridicule car le jeune mâle passait pratiquement toutes ses journées en compagnie de l'humain. Ce dernier ne laissant son chien de côté, que les rares jours où il devait accomplir des tâches spécifiques qui ne laissaient pas la place à un loup comme le sien.

Les deux amis s'étaient installés au bord de la rivière et Julien lançait un bâton à Charon pour qu'il aille le chercher dans la rivière. Le Tamaskan s'amusait comme un fou. Il adorait bondir dans l'eau sans se préoccuper de ce qui l'entourait, tout ce qui comptait était d'aller attraper le bâton qui flottait à la surface. Il était si concentré sur la tâche, qu'il traversait herbes hautes et boue sur son passage. Il était loin de se douter qu'un peu plus loin, une jeune chienne pleine de vie et qui ne supportait pas d'être mouillée se promenait.

Le vent sifflait doucement entre les herbes, douce mélodie qui plaisait fortement à la petite chienne. Qu’il était agréable de gambader dans ces prés, assez près de l’eau pour pouvoir la boire si l’envie lui prenait, mais assez loin pour ne pas risquer de se faire éclabousser par quelque grenouille, abominable créature, bondissant avec agilité dans cette rivière, à la recherche de malheureux nénuphars. Elle avançait rapidement, loin devant ses maîtres, qui marchaient main dans la main, en légère tenue d’été. Non pas qu’elle ne les aimait pas, mais ils étaient bien peu rapides, bien moins que lorsqu’ils couraient, et elle préférait faire des allers-retours, quitte à attraper des torticolis à force de jeter des regards en arrière, de peur qu’ils ne la suivent plus.

Pepsi accéléra l’allure, par une envie subite de se taper un sprint, comme il lui arrivait parfois. Et elle avait au moins la possibilité d’être crédible, pour une fois. Les fils qui se touchent, certainement pas, mais l’alléchante odeur d’un oiseau, qui s’était posé non loin. Oh, elle ne risquait pas de l’attraper, et bien heureusement, parce qu’ils étaient trop gros pour elle, mais c’était juste pour le plaisir d’une presque chasse. Ses coussinets épousaient le sol avec agilité, et elle prenait rapidement de la vitesse, insensible aux effluves, canin et humain, qui auraient pourtant dû lui assaillir le museau.

Et quand une sorte de loup surgit en direction du cours d’eau, elle ne put faire autrement que de se le prendre, flanc contre flanc. Elle avait réussi à faire un dérapage, très peu contrôlé, pour l’éviter, mais c’était fichu d’avance. Et, horreur, son pelage marron clair était devenu chocolat. Sale ! La femelle lâcha un cri d’effroi, et se sépara immédiatement du mâle, qui ne paraissait pas répugné d’avoir touché de la boue. Tout son pelage au poil plutôt long en était recouvert. Mais quel était donc le plaisir de courir dans des prés quand on avait de la boue jusqu’au bout des oreilles ? Elle se secoua, envoyant des gouttes de terre sale voler jusqu’à la rivière non loin. Et se recula encore, pour ensuite fixer l’énergumène boueux avec de tels éclairs dans les yeux qu’elle aurait pu le foudroyer sur place :
« MAIS QUI EST L’IDIOT QUI PASSE A TRAVERS DE MON CHEMIN ? UN IDIOT SALE QUI M’A SALIE ! »

Ses aboiements furieux ameutèrent un bipède, un brun, et ses maîtres. Lucie grimaça devant l’ampleur de la saleté, puis lâcha un petit rire, jaune, certes, mais un rire quand même. Son compagnon se joignit à elle, et Pepsi en fut plus outrée encore. On se moquait d’elle ! Quelle après-midi terrible !

Et l'autre eut l'idiotie de rire. Son ricanement grave lui vrilla les oreilles, sur lesquelles s'amassaient des tas de boue fort peu gracieuses. Rien de comparable avec les gouttelettes de pluie semblables à des diamants purs, qu'elle aimait tant. C'était sûrement pour cela qu'elle aimait tant se balader dehors lors de petites averses, au grand désarroi de ses maîtres. Pepsi lui décocha un regard assassin, alors que son rire s'était tu et qu'il la fixait, d'un air un peu perdu.

  Pendant quelques instants le silence régna, dans lequel ils se faisaient face, elle furieuse, et lui plutôt indécis. Les bipèdes paraissaient bien plus amusés qu'elle de la situation. Puis, il prit la parole pour la première fois depuis qu'ils s'étaient littéralement rentrés dedans :
" Je pourrais te retourner la question. Tu ne dois pas être bien habile pour foncer ainsi sur les gens. C'est une bien drôle de façon de dire bonjour. "

  La petite chienne ouvrit de grands yeux mi-abasourdis, mi-agressifs sous sa frange beige claire. Elle avait toujours été très expressive, et il était fort simple de lire en elle comme dans un livre ouvert. Toujours elle conservait un petit sourire quand elle était de bonne humeur, ou tirait une tête bougonne quand elle n'était pas joyeuse. Et là, en l'occurrence, elle était fort agacée. C'était lui qui lui avait foncé dessus, à la recherche d'une grenouille ou d'un poisson, et non pas elle qui avait couru comme une forcenée vers de l'eau verdâtre.

  Oh, elle avait bien senti une certaine convivialité dans sa voix, mais il n'était pas question de faire l'impasse sur un pareil quiproquo. Elle n'allait pas laisser passer un outrage de la sorte, et secoua la tête avec hargne. Non, non, et non, elle n'allait pas discuter joyeusement avec lui, alors qu'il remettait en cause sa propre faute à lui !
"Nan mais ça va pas ? C'est qui qui galopait comme un fou furieux à la recherche d'un crapaud gluant ? Qui est plein de boue ? Pas moi !

  Ses aboiements aigus et furieux effrayèrent quelques piafs, qui s'ébattirent dans les airs dans un concert de coups d'ailes. Pepsi reprit, toujours aussi énervée, hurlant à la gueule du pauvre mâle, qui n'avait rien demandé, presque à lui sauter à la gorge (bien qu'elle en serait incapable en réalité) :
"Et c'est moi la malpolie dans l'histoire ? Moi ? Ca t'est pas venu à l'esprit de t'excuser, non ?"

Le loup baissa les yeux, puis la fixa, elle et son pelage teinté de tâches éparses de couleur peu esthétique. Même son harnais était imbibé de cette eau souillée dont l'odeur désagréable lui emplissait les narines, de sorte à abîmer son pauvre museau, préférant les effluves de croissant plutôt que ceux de crapauds poisseux. C'est Lucie qui grognerait quand elle puerait dans le chalet. Et c'est elle qui en patiraît, inapte à se poser sur le lit avant de passer par la case douche. Ah que cette après-midi avait bien commencé, et que la chute aux enfers commençait !
" Bah quoi ? C'est marrant de chasser les crapauds. Tu dois pas souvent t'amuser dans ta vie ... "

  Sa voix niaise la sortit de ses sombres pensées, obnubilée par le spectre de la bassine d'eau claire dans laquelle elle devrait tremper les pattes au retour. Elle leva la tête farouchement, l'ayant baissé pour regarder son beau pelage désormais dévergondé à cause de cet individu qui tentait de se dépêtrer de la grotesque situation dans laquelle il s'était engagé. Son regard enflammé ne le lâchait pas, et elle eut même un reniflement dédaigneux.

 Il osait remettre en cause sa façon de s'amuser. Mais n'était-il pas plus marrant de jouer à la bagarre avec Hugo ou de rire aux éclats avec une copine en critiquant les clébards et leurs colliers ridicules ? Elle avait une bonne amie chez elle, une lévrier qui l'accompagnait parfois, elle et son maître, quand un autre homme se joignait à eux. Là-bas, même sans pourchasser les créatures que la Nature cachait dans la boue, sûrement honteuse d'avoir fait naître des être pareils, elles passaient de folles matinées dans les bois. Et lui, à peine débarqué dans sa vie, sans la connaître, il osait la critiquer. La petite chienne vit rouge, et sa colère grimpa en flèche quand il continua à parler, désormais droit dans ses bottes :
" M'excuser ? J'aurais peut-être essayé si tu ne m'avais pas crié dessus et insulter. Si on veut que les autres se comportent bien avec nous, il faut commencer par les traiter avec un respect équivalent à celui que tu attends d'eux. Je dis ça, je dis rien. Bref, si tu arrêtes de t'énerver, peut-être que j'aurais l'occasion de le faire. "

  Immédiatement, la petite chienne pouffa comme il venait de le faire, avec le plus de dédain possible. Interloquée par temps de stupidité, elle en perdit un instant sa répartie, et le silence emplit l'air, un peu. Puis, elle secoua la tête, ses oreilles claquèrent contre son cou, et elle aboya, mesquine :
"Revois ta notion du respect, p'tit gars. C'est pas parce que t'es plus grand que moi, et que tu as un certain charme que je vais me laisser intimider. Fonce pas sur toutes les chiennes comme ça, y'en a sûrement qui te sauteraient à la gorge au lieu de te tomber dans les pattes. Conseil d'amie. A moins que ce ne soit une technique de drague ?"

  Sous le masque de la colère, ses yeux brillaient malicieusement. Elle s'ébroua, et, un léger sourire sur le coin des lèvres, s'écria :
"C'est bon, je ne suis plus énervée. J'attends tes excuses !"

Le mâle s'assit, après un petit rire amusé à la mention de son charme. Et pourtant, il en avait, c'était indéniable. Il était grand, bien sculpté, d'une bonne proportion, une bouille tout à fait charmante, et une couleur, qui paraissait, sous la boue, plutôt sympathique elle aussi. Pas étonnant que ses maîtres poussent des exclamations émerveillées toutes les deux secondes, fixant avec des yeux de merlan frit le loup, brisant le silence que Pepsi avait instauré, s'étant tue. Pour une fois que ses aboiements furieux ou enthousiastes n'assourdissaient pas tout le monde.
" Je suis désolé de t'être rentré dedans. J'espère que tu n'as rien ? "

La petite chienne releva le menton, alors que lui l'avait baissé, pour trouver un peu d'égalité entre eux deux. Oh, elle n'avait rien senti de plus que les affreux relents d'eau salie, aucune douleur physique. Juste morale. Mais ça, c'était le pire, et elle l'avait très mal pris. Qu'importait, il s'inquiétait pour elle, et sa voix grave la mit fort à l'aise. Un instant, elle hésita à faire semblant de souffrir, mais Hugo et Lucie la connaissaient bien de trop. Ils seraient capables de se moquer d'elle, et elle deviendrait la risée du petit groupe.
"Oh, à part une tonne de boue sur le pelage, non, je n'ai rien. Heureusement que j'ai été vive comme l'éclair, parce que tu n'étais pas franchement apte à faire le même merveilleux dérapage que moi."

Toujours il fallait qu'elle se mette en avant. Les plus gentils auraient dit que c'était une façon pour elle de se sentir aimée, protégée, et d'autres, plus durs, diraient que ce ne serait qu'un acte de vanité. Elle-même ne savait pas où elle se plaçait entre ces deux stades opposés.

Un claquement de langue l'interpella, et Pepsi tourna la tête, la langue pendante idiotement. Mais ce n'était pas elle que le coach sportif regardait, un bâton à la main, mais bien le bel inconnu. Elle tenta de se réconforter de ne pas être le centre de l'attention en se disant qu'il n'y avait pas plus stupide que d'aller chercher un bout de bois comme un dingue. Même si ça lui faisait mal qu'on se désintéresse de la star qu'elle était.
"Oh, on appelle le bon toutou pour aller récupérer un bâton. Allez, va jouer !", s'écria-t-elle, fort agacée.

Et le bâton siffla dans ses oreilles, pour aller atterrir dans la rivière. Et quelques gouttes d'eau l'éclaboussèrent une fois de plus, ce qui fut la cause d'un nouveau cri de colère.

Le mâle approuva sa rapidité incroyable, et Pepsi en fut satisfaite. Malgré ses maladresses, il n'en restait pas moins désagréable à la conversation, en la complimentant même si elle cherchait un peu, il fallait le dire. Il l'acceptait à sa juste valeur, et validait sa supériorité évidente.
" C'est vrai. Je crois que tu maitrises les dérapages mieux que moi. Tu es même assez impressionnante je dois dire. "

Et puis son visage souriant devint concentré, à l'affût. La petite chienne suivit inutilement son regard, sachant malheureusement ce qui avait attiré son attention. Hugo, et sa brindille bien semblable aux autres, mais qui méritait qu'on la pourchasse. Il lui proposa de la suivre, sûrement davantage par politesse que par envie, puisqu'il était déjà en train de pourchasser le bâton avant qu'elle ne puisse lui répondre.

C'est dans un plouf retentissant qu'il réussit à l'attraper, et des gouttes giclèrent dans tous les sens. Pepsi ne prit même plus la peine de crier, parce qu'elle était sous le choc, la bouche aussi béate que Lucie, qui se demandait comment elle réussirait à la laver dans le chalet. Actuellement, sa maîtresse se demandait s'il y avait des douches près du chenil, et s'il serait possible de les emprunter au camping. Sa belle couleur presque brillante n'était plus qu'un ancien souvenir, relique d'un beau passé. La capricieuse femelle prit une grande inspiration et s'approcha du loup, et donc de la rivière, d'un pas incertain et dédaigneux. Plus elle s'avançait, moins elle était dans son élément, et elle évitait de regarder le liquide dans lequel il se baignait. L'eau menaçait de l'avaler à chaque respiration, mais au moins elle pourrait lui cracher sa haine sans qu'il ne soit trop loin.
Tu ne comprends donc rien ? Je viens de te dire d'arrêter de sauter dans cette rivière et TU REPLONGES DEDANS ! T'es stupide ou tu as une dent contre moi ?"

Elle voulut avancer encore d'un pas, mais le sol s'effondra sous elle, et elle fut déséquilibrée. Dans un instant fugace de lucidité, elle aspira de l'air (alors que c'était peu profond) et chuta comme une pierre. Un léger courant l'emporta, et elle n'arrivait pas à se rattraper au sol, les pierre glissantes entre ses pattes. Or, c'était de plus en plus profond … Elle n'arriverait pas à revenir seule !

Alors qu'elle venait de prendre une dernière goulée d'air, elle l'entendit presque murmurer ces mots (à moins que le gargouillis du courant lui fasse perdre la notion du son) :
" Je suis idiot je suppose … ? Mais toi tu ne sais vraiment pas t'amuser … "

Pepsi ne prenait pas vraiment conscience de la remarque qu'il venait de faire, étant donné qu'elle mettait toute son énergie à essayer de garder son souffle et à ne pas avaler d'eau. Elle sentit une carpe lui donner un coup de queue dans la patte, et ne cria pas de dégoût.
La survie était son seul objectif, et la peur de faire un faux mouvement la suivait durant tout le long de son ascension. Ses yeux s'ouvraient à peine quand elle revenait à la surface, mais sa frange l'empêchait de voir quelque chose. C'était comme un cauchemar. Elle était en train de mourir !
La peur lui paralysait l'esprit, seules ses pattes se mouvaient pour revenir à la surface. Quelquefois elle entendait le roulement des cailloux sur le sol, ou bien la voix paniquée de Lucie qui implorait Hugo de faire quelque chose.

En l'occurrence, cet appel au secours silencieux qu'elle lançait fut entendu. Une masse bondit dans l'eau, dans une énorme éclaboussure, et la petite chienne croisa le regard de son sauveur. Et sans plus attendre, le mâle l'attrapa à la nuque, doucement mais fermement, à la manière des chiots. En se laissant porter, presque neuneu, la blondinette ne bougeait pas.
Et puis il la relâcha, arrivés sur le sol ferme. Pepsi se roula sur le sol, impassible quant à la boue qui se collait à son pelage trempé, et à l'odeur qu'elle détestait qui lui collait à la peau. Elle était en vie. Les yeux mi-clos, le souffle court, elle reprenait doucement ses esprits quand le chien reprit la parole, nullement déboussolé par ce sauvetage incongru :
" Tu n'as pas bu la tasse ? ça va ? "

En réponse, elle toussa, en éjectant quelques gouttes d'eau qui avaient tenté de s'insérer dans ses poumons. Elle secoua la tête, et la releva vers lui, presque désolée d'avoir été si méchante alors qu'il venait de la sauver des tréfonds de cette horrible rivière. Un peu désabusée et mal à l'aise, elle réfléchit, puis répondit, doucement :
"Hum … Si ? Je … Désolée de m'être emportée, mais je déteste l'eau, alors te voir courir dedans comme un idiot m'a donné des envies de meurtre. Je la bois juste parce qu'il le faut, mais c'est tout ! Je peux pas voir l'eau, même en peinture !"

En constatant qu'elle n'avait pas l'air de vouloir le dévorer, le Tamaskan s'écarta un peu pour ébrouer sa fourrure dégoulinante. Il avait pris soin de s'éloigner de la chienne cette fois-ci, la pauvre avait suffisamment gouté à l'eau pour aujourd'hui. Charon trottina autour de la chienne pour l'inspecter, malgré son air un peu apathique elle semblait indemne, ce qui le rassura. Et puis elle finit par prendre la parole après avoir craché l'eau qui lui encombrait les poumons.

" Pourquoi tu ne me l'as pas dit plus tôt ? J'aurais fait plus attention si j'avais su. Je suis désolé. Je ne voulais pas te traumatiser. Viens écartons nous de la rivière. "

Proposa le mâle en l'encourageant à se lever et s'éloigner du lieu qu'elle trouvait si effrayant.
Charon n'était pas un mauvais bougre, et jamais il ne se serait permis de se moquer d'elle ou même de l'embêter s'il avait eu conscience dès le départ de sa phobie. Maintenant il fallait réparer les pots cassés et essayer de prendre un nouveau départ. Leurs maitres semblaient vouloir s'éloigner de toute façon, ils avaient dû avoir la frousse en assistant à la quasi noyade de leur chienne.

Le mâle s'ébroua, et Pepsi vit avec un certain plaisir qu'il avait pris de la distance. Une goutte d'eau ou deux de plus n'auraient rien changé à son piteux état, mais, au moins, il avait fait attention, et ça lui fit plaisir. Elle en fit de même, et se débarrassa du poids mort qu'avait formé l'eau qui lui pesait sur les épaules. L'herbe autour d'eux était trempée, et encore sous son ventre dégoulinaient des gouttes, tombant de son pelage telles des stalactites. Elle songea avec une pointe de joie au réconfort qu'apporterait le retour au chalet, et en conséquence un coin sec, avec une serviette et des croquettes (au goût de bœuf qu'elle chérissait tant).
   Le gros chien lui tourna autour un instant, ses yeux sombres filant sur son corps pâle, avant qu'il ne reprenne, presque avec un soupçon de surprise, d'incompréhension :
" Pourquoi tu ne me l'as pas dit plus tôt ? J'aurais fait plus attention si j'avais su. Je suis désolé. Je ne voulais pas te traumatiser. Viens écartons nous de la rivière. "

  Traumatisée ? Oh, elle l'était bien depuis l'enfance, depuis qu'elle avait posé une patte sur ce sol qui s'était révélé ne pas en être un. Sa chute l'avait à jamais effrayée de l'eau, et de tout ce qui en touchait.
   Ils crapahutèrent ensemble jusqu'à leurs maîtres. Hugo lui ébouriffa la frange, en se moquant gentiment d'elle, et Lucie lui caressa le dos, en se plaignant du ménage qu'il y aurait à faire en rentrant pour effacer toute trace de promenade, et redonner à son corps toute la douceur qu'elle avait auparavant.
"C'est que je n'aime pas avouer mes faiblesses. L'un de mes seuls défauts, lâcha-t-elle en riant. Au fait, je m'appelle Pepsi. Il me semble que nos chemins se séparent, alors au plaisir de se croiser prochainement !"

  Elle lui sourit, achevant cette rencontre d'une façon bien plus sympathique qu'elle ne l'aurait pensé. Elle et ses maîtres firent demi-tour, la balade se finissant plus rapidement que prévu. Peu lui importait, elle était très fatiguée, et mourrait d'envie d'aller se coucher dans son panier.